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3 juil. 2012

Directissime des potes

                     

     Avec les perturbations qui se succèdent depuis plusieurs mois dans notre beau pays, trouver le créneau pour partir en montagne deux petites journées relève du défi hulkien... Après les 60 cm de neige tombés aux Ecrins la semaine passée, tout espoir de pénétrer la belle semble s'évaporer. Avec Mat, on devient fou. Cela fait un mois que l'on scrute les évolutions anarchiques de méto ciel, sans succès...

Le topo




Je me motive avec Renaud Fine pour une remise en forme à l'arête sud-est du Gaspard le lendemain de la fête de la musique. Une course longue et magnifique nous permet de repter tant bien que mal sur cette échine emblématique de l'Oisans sauvage.

Ren'

Le souffle court, slalomant entre les écailles gigantesques de ce stégosaure de granit, nous voilà accueilli au sommet par un soleil radieux. Quel plaisir de pouvoir s'assoir un instant sur cette collerette géante et d'apprécier les sommets alentours sans redouter la foudre et ses abeilles butinantes qui m'avaient accompagnées par deux fois l'été dernier. Le sac blindé de bouffe nous nous gorétisons sans aucune arrière pensée. Pour ça aussi la montagne est un Eldorado!

Petite longueur en 5+ des familles

La descente sous un soleil de plomb n'offrira malgré tout pas que des avantages et c'est de peu que nous échappons à une coulée de fonte dans la descente de la voie normale. Pour finir les quelques rappels, c'est dans un véritable torrent que nous aurons le loisir de batifoler et de coincer la corde... C'est sans compter sur le sang froid et le pragmatisme de mon compagnon qui nous sortira de ce mauvais pas. Une longue série de ramasses plus tard nous débarquons à Valfourche pour le goûter!

Le stégosaure depuis son crâne


Nous nous autorisons le luxe d'une trempette pédestre dans le torrent gelé qui s'écoule impétueusement depuis le refuge du Pavé où nous avons passé la nuit dernière. Une petite pensée pour Didier, le gardien bien cool de cette spartiate cabane de chantier, antichambre du luxe version cafiste, où nous avons festoyé comme des rois.

Héhé!


     Cette remise en route n'a fait que m'allécher d'avantage... Dès lors la simple évocation de la directe me fait monter l'eau à la bouche. Pour Mister Détrie, cette voie fait partie des projets de longue date. Je suis très heureux qu'il m'accepte comme compagnon! Cette diagonale qui raye le caillou de la face nord depuis 2005 sera sans aucun doute un grand cru. Grâce à la motivation sans faille d'une équipe sur guronzée, cette voie a vu le jour suite aux assauts de JF Etienne, Bernard Gravier et de l'infatigable Cyrille "Clairette" Copier. La Meije accouche donc en deux fois de cette nouvelle ligne. L'hiver 98 pour une partie du bas et le mois de juin pour la partie sommitale. Certes la logique de la ligne est à désirer si on la compare à sa voisine de gauche la fameuse directe de Raymond Renaud, ou bien encore au Z et ses banquettes aguicheuse louvoyant au sein de la face. Mais elle représente un joli défi pour tout passionné  de cette montagne magique.

Pti sandwich, tranks!
     Partir en montagne, pour un ou plusieurs jours, commence tout d'abord par une phase souvent complexe mais nécessaire : il faut larguer les amarres... Simple sur le papier, plus difficile en réalité! Pour ma part, il faudra user de la patience et de la gentillesse des copains à qui j'avais promis une excursion à Millau pour les NG, et où, bien sûr, je ne me rendrai pas. Partir et laisser ses potes sur le carreau n'est pas très fair play, il faut l'avouer. Mais la montagne est à ce prix et il faut toute sa liberté pour profiter des rares créneaux qu'elle nous offre pour la parcourir. Merci donc à Hugo "Albert", Benjamin et la team de Kairn de m'avoir permis de leur faire faux bond pour aller prendre mon pied là haut! A charge de revanche..

Nous voici donc bien embarqué, chacun ayant pu finalement se libérer, en phase avec la reine Meije. La journée commence sur fond de vacances à la montagne puisque nous prenons la benne à 9h, en compagnie de l'incroyable Trou Trou, plus guronzé que jamais. Une bonne rigolade et nous nous extirpons de notre "bain de vapeur", à 2400 mètres, en direction des Enfecthores. Nous prenons le temps qu'il faut pour arriver au pied de la rimaye sans avoir trop forcé. Il est midi, il y a du vent en montagne et les nuages noircissent sur l'Italie. Mais pour une fois nous n'avons par interprété la météo, nous avons attendu qu'elle soit formelle : Beau temps sur le massif pour deux jours. Mat s'élève dans l'ébouli que compose le socle. Je le suis, tendu malgré tout par les chutes possibles de matériaux de toute sorte. Nous adoptons un bon rythme et nous voilà au pied du premier ressaut. Quelques longueurs en 5+ qui déroulent bien et une pente en neige plus tard nous voilà au pied de notre premier crux. Ce beau triangle se compose de trois longueurs soutenues en 6b+, 6a puis 6b.

Satisfaits de notre rythme rapide, et puisqu'on en veut toujours plus, nous nous ruons avec l'anticipation d'un lapin crétin dans la première fissure venue. Du bas, elle parait très raide et de surcroit trempée, mais c'est sûr, c'est là!

La longueur "Lapin Crétin"


Je pars, énervé comme Jamet, dans ce canyon vertical au rocher délité. Je m'équilibre au mieux et avance et tirant le moins fort possible sur des grosses inversées blanches et ruisselantes. Ne voyant aucun piton, je m'interroge de plus en plus. Après un beau run out dans ce kairn, je fais relais... En fait j'ai surtout un bon camalot vert... Le hissage de sac me parait long et particulièrement malsain. Mat progresse avec délicatesse, il a bien compris que mon relais n'était pas au mieux. Il passe devant. Encore quelques mètres humides et délités et nous retrouvons la voie et ses pitons. Ouf!

Dans un 6a du bas de la face

Une dernière longueur en 6b recouverte de lichen glissant nous mène à une zone moins raide. Mat part en tête et nous rejoignons vite le Z, ou plutôt le ruisseau du Z! Quel effroi! Je crois que le dieu du canyoning semble vouloir me corrompre en ce moment. Il sème sur mon chemin une série d'épreuves aquatiques toutes plus sales les unes que les autres.

En rejoignant la branche du Z


 Nous remontons le couloir jusqu'au niveau de la Vigie où une coulée me frôle. Un glaçon tombé d'une centaine de mètres, atteint Mat au genou... Heureusement, le bougre est plus solide que l'acier, la violence du choc tordra un de ses mousquetons mais pas lui. De loin, j'avoue avoir eu peur en voyant cette masse fantomatique fendre l'air jusqu'à lui. Bref, le climat est tendu, il est 20 heures, il faut trouver un endroit où passer la nuit. Nous terrassons tant bien que mal une petite vire pour moi, Mat se blotti quant à lui entre deux écailles épineuses. Certainement a-t-il une petite pensée pour sa Perrine, sans nul doute moins piquante que ses voisines de bivouac. La tablette de chocolat praliné lui amène la tendresse qui lui manquait et nous nous endormons, au coeur de la face nord de la Meije.... Terrible!
Petit bivouac, large juste ce qu'il faut!
Le Rateau depuis le bivouac

Le lendemain, les premières longueurs s'enchainent rapidement. Mat reste en tête et grimpe en chaussons. Je le suis avec le sac, en grosse. Ayant pris ma paire de Testa Rossa en 39... Je préfère le confort de mes grosses! Une seule longueur en 6a+ saura nous faire planter les doigts, les pieds effectuant l'étrange chorégraphie d'Holiday on Ice sur le lichen.

Sortie du 6b



En haut du 6a+ licheneux




C'est parti!!

Nous y voilà! Après une traversée scabreuse, nous sommes à pied d'oeuvre. En dessous de nous les liges de fuite sont magiques. Perchés sur notre vire, l'ambiance, d'un coup nous empoigne. Je pars pour cette longueur avec une sur motivation digne d'un Adam Ondra avant un à vue! Je grimpe avec prudence dans la première partie en 7a+ et souffle au premier piton, une petite dizaine de mètres au dessus de la vire. Cette vire, si accueillante tout a l'heure et qui semble maintenant vouloir me croquer les talons... encore quelques mètres et je mousquetonne le premier spit. J'en profite! Il y en a deux dans cette longueur de 35 mètres... Je continue un peu, la varappe se corse. Je n'enchainerai pas, cette fois c'est sûr. Le prochain spit est loin au dessus et la proue que je grimpe se prononce un peu plus. Je monte au prochain piton que je renforce avec deux friends. Cette fois c'est parti, je fonce coûte que coûte jusqu'au spit. Les mouvs sont dignes de ceux rencontrés dans un 7c en falaise, un peu plus humide peut être... Une épaule, je monte le pied, attrape une pince fuyante main gauche... Ouf, les coinceurs sont déjà loin en dessous et pourtant il faut jeter! Cette arquée a l'air bonne, mais la chute me stresse. Je sens le curseur de mon cerveau se décaler du meilleur côté, je sens la puissance venir! Je jette! Quelque chose a cassé sous moi. C'est mon pied, je suis pendu sur les bras avec une arquée et une pauvre pince. Le spit est juste là. Mat me dit de me détendre. Des bruits encore jamais entendus sortent de ma bouche. C'est génial! Je clippe et me pends joyeusement. Extrême!

LA pure longueur en 7c, mythique!

Encore une belle section de libre dur au dessus du spit et je rejoins le relais composé d'un piton et d'une tige... Les boules! Même pas de plaquette. Je place une cablé sur cette tige, un bon piton au dessus, te fais la triangulation de la mort et hisse le sac. Mat me rejoins, éprouvé. Un 6a en terrain merdique nous amène au niveau du cheval rouge. C'est fini!

Arrivée sur l'arête


On continue jusqu'au sommet par la voie normale et c'est le pied!



Merci à Mat, à mon paon, au gardiens, à Leïla et Yoshka et à Cyrille pour les infos et cette voie majeure! C'était une super aventure!!
 Le topo :


1 commentaire:

  1. hello en ligne
    http://www.tvmountain.com/video/alpinisme/9131-directissime-des-potes-la-meige-face-nord-oisans.html

    merci david
    passe moi ton mail

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