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23 févr. 2013

La queue du tigre

                              

La Massue

Cette impression, je l'ai déjà vécu l'an dernier dans la cascade de la Pisse, à Pelvoux. L'impression d'être de trop, pas franchement au bon endroit au bon moment. Bien sûr ce sentiment étrange, communément dénommé peur mais qui, dans mon cas, aurait tendance à virer sur le rouge de terreur, est lié à au moins un évènement extérieur.
Un indice, souvent perçu quand il est trop tard. Trop tard pour redescendre en désescaladant jusqu'à la dernière broche, trop tard pour flipper aussi. Tu le savais mon gars... Ca fait deux jours que ta raison te dit d'aller partout sauf ici.
Pourtant c'est bien toi qui est pendu à ces pioches, pas un autre. C'est toi qui tire la queue du tigre, un peu plus fort à chaque coup de pioche, à chaque mouvement de pied.



Le tigre se retourne en un craquement. Ca y est, il s'ébroue. Cet instant est terrible nerveusement, envie d'hurler mais je peux pas. J'ai presque peur que mon cri soit la vibration de trop, l'onde qui fera fendiller mon support, ces tonnes d'eau sur lesquelles reposent ma réalité immédiate. L'énervement de trop qui décidera mon copain poilu a sortir ses griffes une bonne fois pour toute.
Un Beau Niot dans L1

"C'était quoi ça?" Cette interrogation à la réponse évidente... pour me rassurer, en espérant que c'est Ben qui à fait craquer une plaque de glace dans le socle. Ses mots tranchent, elle a craqué, fendue. Je reste immobile un instant, contracté, haletant. Je matte le félin droit dans les yeux, je crois pouvoir lire ma terreur qui se reflète dans ses grande pupilles dilatées. Quelques secondes... interminables!
Et puis la confiance revient. Si je fais corps avec le tube, que mes frappes deviennent de simples crochetages, alors il n'y a aucune raison que ça se passe mal...



"Aucune raison que ça se passe mal"... Cette expression me fait presque sourire quand je remonte mon Nomic dans un bon crochetage. Un peu rire jaune, soit. "Mais quand même tu te mens un peu mon Bonniot". Si ça a craqué, il y a déjà plein de raison... Ta gueule.
Respirer, "transformer ces énergies denses en énergie de lumière" m'a t-on dit... Respirer avec le ventre. Devenir le perfect player de Mikado. J'essaye de me rappeler comment je faisais quand j'étais gosse pour rester serein, effectuer les gestes précisément pour que cette petite baguette de bois reste bien la seule à bouger.


"Dans un mètre tu seras sur l'attache, tu pourras mettre un point". Je vois mon paradis se rapprocher comme le tigre se rendort... d'un oeil??

La méduse salvatrice
Le passage déversant que je grimpe maintenant est magique, les frappes d'un coup sonnent bien. Il n'y a plus cette résonance désagréable. Vite je me rétablis, pose une broche de la création, une des plus solides, je crois, de mon existence, en tous cas elle en a le goût! En bas Ben lâche le réverso, je ravale vite fait mes deux cordes pour ne plus être relié avec Tigrou. ET enfin, je me détend. La suite, j'en profite, un plaisir de grimper ces formes, ces structures. Des passages déversants, des bons ancrages et le sentiment, enfin, d'être en sécurité. Je débarque au relais, un coup d'oeil pour la "vraie" queue du tigre. Le fameux tube il est devant moi. translucide et clair, on peut voir l'eau s'écouler à l'intérieur.

Ben, serein



C'est pas très large quand même...



  Ce poteau fait 10 mètres jusqu'à l'attache, peut être un peu plus. Cette poignée de mètres pour rejoindre le bonheur solide de l'attache au rocher, que l'on voit bien depuis le relais. Elle me semble à un kilomètre. A cet instant je le sais, sans un Ben décidé à se lancer en tête, je redescends. Je n'ai pas l'expérience ni le mental pour me jeter en premier de cordée dans cette arène. Encore un craquement du premier étage...



Pourtant j'ai une confiance aveugle en Ben, une "Blind Faith" dirons nous! Je sais très bien que s'il faisait effondrer la massue, il ne serait pas le seul à en payer le prix.
Le maître mot ici c'est la délicatesse et une pincée de gestion de soi. Tant mieux, Ben excelle dans ce sport!


Merci à Blett. Merci à Nicolas. Votre passage nous a été d'une grande aide tout comme vos infos.

Merci à Ben!

L'occasion aussi pour nous de se rendre compte que le niveau réel en cascade n'a pas évolué depuis 20 ans. Ici la réalité est infaillible, je ne l'avais encore jamais perçue à ce point flagrante! On peut même dire que le niveau a baissé quand on compare notre matériel et ces 20 ans de plus dans la connaissance du matériau, par rapport à ces grimpeurs des années 90 qui étaient, en plus, des pionniers. Des gens qui s'aventuraient réellement dans l'inconnu. Grimper cette cascade en 1991 était impressionnant... mais l'ouvrir était encore une dimension différente! Tout comme toutes les autres ascensions extrêmes effectuées il y a de cela plus de 20 ans... Il fallait oser.

Bravo aux ouvreurs.

Hasta la vista!

2 commentaires:

  1. Bonsoir et bravo pour cette ascension et ce super texte qui donne pas envie d'y aller. J'ai transmis à Philippe Pibarot, un des ouvreurs avec François Damilano, le lien de ton blog. Je pense que ça lui fera plaisir de te lire.
    Gérald Duperray

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  2. Bravo à Max et Ben pour cette escalade de la Massue en grand style! Les photos et le vidéoclip sont superbes. Merci de m'avoir fait revivre de très beaux souvenirs.
    Philippe Pibarot (Pib)

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