Si proche, si loin! Tel pourrait être
le ressenti de tout alpiniste ayant gravi le Pic Gaspard. Le
contempler depuis le col du Lautaret, pleins phares sur la face nord,
le rend faussement accessible. Côté ombre il est protégée d'un
abrupt sérac qui domine le vallon de l'Homme. Il forme avec la Meije
et le Pavé un prolongement esthétique sur lequel on ne peut que
s'éterniser du regard en gambadant sur le sentier des séracs, lieu
privilégié d'accès au vallon de l'Alpe. Il faut choisir ses armes
pour entreprendre sa conquête. Par le versant sud, où Pierre
Gaspard, vainqueur de la Meije, traça la première ligne pour y
fouler le sommet en 1878. Par la fameuse arête Sud Sud Est que l'on
doit à la prolixe cordée Devies Gervasutti en 1935 ou, enfin, par
la première de la face nord en 1945 par Albert Tobey et Louis
Berger. La voie Ginel Pinard puis celle de Moulin, tracée en
solitaire hivernale au terme de son enchaînement des trois faces
nord de la Grave en 1996, constitue l'ensemble des itinéraires
tracés sur cette partie de la montagne.
Pourtant, à chaque plongeant vers
Grenoble, Maître Gaspard me laisse entrevoir une ligne pure et
logique rayant sa face nord. C'est à Arnaud Guillaume que je dévoile
mon projet. Il est surement le plus passionné de tous les
montagnards de l'Oisans, un homme que le ratio « Marche
d'approche / longueur d'escalade » n'effraie pas Le problème
en cet fin d'été 2012, reste la canicule et l'accès par le vallon
de l'Homme. Trop risqué à nos yeux d'escalader les sérac
cadavérique qu'ont emprunté Tobey ou Ginel. Trop long par la
traversée depuis le sommet du Pavé, qu'avait utilisée Christophe.
Nous inaugurons l'approche par le col Claire. La redescente côté
nord propose un terrain typé montagne mixant couloir de glace à 45°
et désescalade délicate. La traversée du Glacier Supérieur du
Lautaret achève cette longue approche où six heures auront été
nécessaires depuis le refuge du Pavé. Après une courte longueur
mixte nous nous laissons guider par l'évidente ligne naturelle que
nous offre la paroi. Très compact, raide et prisu, le Gaspard nous
sert ici ses plus belles longueurs sur un rocher de très bonne
qualité. Entre fissures de toutes tailles, dièdres athlétiques et
dalles adhérentes la variété proposée n'a rien à envier au
pendant chamoniard, le côté sauvage en plus! La face proprement
dite laisse ensuite place à une escalade d'arête qui nous surprend
par la grimpe de fissures rectilignes très esthétiques. Nous
rejoignons le sommet, quinze heures après avoir quitté le confort
du refuge. Ce soir nous nous endormirons sur l'arête surplombant le
col Claire pour un moment privilégié dans les montagnes sauvages de
l'Oisans. Merci encore à Arnaud pour ces instants de bonheur.
Diantre !
RépondreSupprimerIl fallait oser la comparaison Pic Gaspard / aiguilles de Cham ! Chauvin le Niot ?
Biz grosse loutre