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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

22 nov. 2015

Alpin intégriste ou alpiniste intègre??

Dans l'engagement, par le dépassement de soi, sous couvert d'explorations ou par recherche du plaisir. Sans tomber dans le travers bobo et consensuel du lecteur de Télérama, on pourrait aisément dire que l'alpinisme se retrouve un petit peu dans tout ça à la fois. Une sorte de "juste milieu" de toutes ces choses dans lesquelles on pioche à chaque instant de façon différente selon ce qui fuse, se consume, ou coule en nous. Partir à l'autre bout du monde avec la prétention de grimper une des plus grosse montagne du monde... C'est à coup sûr un jeu exaltant! S'arracher la peau en coincements inespérés dans les saignées d'une roche compacte, pour la beauté du geste... C'est forcément un jeu transcendant! Peut être même y a-t-il une cohérence lointaine entre ces pratiques qui, de but en blanc, peuvent s'opposer. D'un côté on se perd dans l'infinité d'un massif colossal. On se sent fourmi, on parle de dénivelé en kilomètres, de superlatifs en cascades. On est sur une planète lointaine et c'est génial. De l'autre on effleure d'un verrou de doigt la technique, on parle centimètres, légèreté. Quand tout se résume à la taille de votre poing, de votre main... Chaque ligne revêt alors une originalité et un caractère particulier! A la technique s'ajoute l'engagement et le jeu n'en devient que plus absorbant. Cet engagement se retrouve toujours, tout aussi vivant. Pour un dernier alien un peu trop bas, ou un sommet bientôt si proche. Le souffle court, ivre d'adrénaline ou grisé par l'altitude.

Alors qu'en ces heures violentes notre pays entier palpite, votre univers, pour une poignée de minutes égoïstes, se focalise sur le simple choix d'un verrou, sur le prochain pas dans la neige. Tout se simplifie dans le souffle... tout se contredit dans la tête!

Dans la fissure de Ma Dalton avec Reno Fine
 Photo Antoine Pêcher
A coup sûr cet entraînement passé, avec comme ligne de mire une grosse montagne, de grands dangers, nous a poussé à nous dépasser. Dans toutes les directions il a fallut creuser pour finalement échouer à l'étage 0 de notre projet. Mais les bases ont été posées du mieux que nous avons pu. C'était surtout un objectif que seuls nos "maîtres" ont atteint pour l'instant. Un but mythique qui murira sûrement pendant quelques temps avant que, personnellement, je ne m'y confronte à nouveau. L'occasion de revenir sur cet entraînement que nous avons voulu très complet. 

Comme le projet était technique et en très haute altitude, il fallait progresser autant en force qu'en endurance. C'est pourquoi, même si nous avons tous fait au groupe une impasse sur l'entraînement en falaise, les séances de force nous ont permis de compenser ces sorties que l'on pensait jusqu'alors à la base de l'entraînement, incontournables. En raccourcissant les séances, on a finalement misé sur la qualité. A ce sujet, la vidéo de Jan Hojer, compétiteur international de bloc, en dit long sur la nécessité d'un entraînement très qualitatif :





Même si cet exemple est extrême, avec un grimpeur ayant derrière lui un passé certainement rempli de volume où il a pu développer une technique adaptée, nous avons découvert à quel point les séances de force en gymnase sont importantes pour un projet qui parait aux antipodes. C'est donc en focalisant sur la musculation spécifique sur le haut du corps, en biceps notamment, que nous avons pu supplanter l'escalade en falaise par des séances beaucoup plus efficaces. Pour nous, il n'était pas question de tenue de prise puisque nous aurions a priori toujours deux piolets au bout des doigts. Un renforcement général à base de cross fit pour les épaules et les abdos et un développement de la force max en traction. Comme ce grimpeur s'entraîne seulement 12h par semaine (ce qui paraît peu au regard d'autres grimpeurs de haut niveau) il est important de se focaliser sur l'efficacité. Et effectivement, deux heures d'entraînement intense vaut toutes les trashs vécues à la journée en falaise...

Avant de partir nous nous pré acclimatons au refuge des Cosmiques et nous en profitons pour se faire plaisir dans les fissures classiques qui pullulent dans le coin. L'occasion de mettre à profit ces séances sordides dans un cadre plus sympathique que celui d'une salle embrumée à la magnésie.

Dans le splitter de l'Enfer du Décor à l'aiguille
Photo Cyril Duchêne
Après notre retour du Népal, l'envie de retrouver le plaisir de la grimpe est le plus fort. Avec Didier Jourdain, nous partons pour quelques jours dans la Mecque italienne de la renfougne. Direction le Val Formazza et les célèbres falaises de Cadarese. Entre deux cafés serrés et les incontournables douceurs de l'auberge Monte Giove, nous nous confrontons à la technique du verrou de doigts dans la magnifique fissure de "The Doors", un 8a coriace.

Seb Ratel - The Doors
Photo Reno Fine
Reno Fine - The Doors
L'enchaînement en Pink Pointing correspond à mon niveau max et il m'aura fallu 10 montées réparties sur 4 jours pour clipper enfin la chaîne de cette superbe ligne. Grimper dans une voie comme celle ci est vraiment un plaisir total. Quand la première fissure vient mourrir sur le crux, une seconde renait et vous mène jusqu'au sommet des 35 mètres de conti de cette base... Esthétiquement parfaite, elle appelle cependant un parcours plus propre,en Red Pointing, c'est à dire en posant ses protections durant l'ascension, trop dur pour l'instant pour moi! Cette pratique demande plus de ténacité et plus de relâchement pour arriver à concilier grimpe et engagement dans son niveau max. Bref, il faudra y retourner. D'autant plus que d'autres morceaux d'anthologie s'égrainent dans le coin. "Gracie Rickie", "Mustang", "Turkey crack" ou bien encore "Bookcake". De quoi jammer pour quelques temps dans ce paradis de le fissure!

Enchainement de The Doors
Photo Didier Jourdain
Merci à Didier pour sa patience et à Renaud Fine pour ses photos.

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