L'expé
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Le haut de la Face Sud |
Cette expé à la Face Sud de l'Annapurna est un projet qui a germé peu
après notre retour du Shisha au Printemps 2014. L'adhésion a été rapide
pour notre équipe, compte tenu de notre réussite toute récente. Après un
premier échec en 2013, nous nous sommes rapidement motivés pour
repartir, quelques mois plus tard. Dans ma tête il n'y avait pas de
questions, je voulais vivre ma première grosse aventure, de manière
égoïste, tout comme je souhaitais ressentir la communion magnétique qui
soude une cordée dans ces hautes altitudes. J'avais seulement dans mes
tripes une motivation sans faille pour affronter le froid mais aussi
l'altitude et tout ce qui en découle. La peur d'accéder à cette zone de
la mort dont tout le monde parle s'est vite transformée en un challenge
personnel. Je voulais aller voir, peu importe la réussite ou l'échec
possibles. La confiance en mes coéquipiers étant telle, je pouvais vivre
cette montée en terrain inconnu comme un jeu. "A tout instant dans la
montagne, si je peux descendre en sécurité, alors je peux avancer un pas
de plus."
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Bivouac diurne dans le bas de la FS de l'Annapurna |
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Le repérage. En direction de la rimaye de l'Annapurna... |
Et pourtant les dangers paraissent grands vus de l'extérieur. Les stelles parsèment le camp de base, dont celles de nos ainés du Groupe. Mais il y a aussi beaucoup de fantasmes autour de la haute altitude, beaucoup de gens en parlent sans connaître. Peut être rêvent-ils d'y aller en secret? Peut être tiennent ils seulement à vous, sans comprendre en profondeur ce que vous faites? Pour moi l'importance de parler et d'expliquer les choses s'est rapidement affichée comme une évidence. Parce que ceux qui vivent avec vous, vos proches, ont le droit de savoir ce que vous faites. Ils ont le droit de poser les questions, même celles qui vous font peur. C'est en communiquant ainsi que chacun avance.
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Les paysages magiques du Mustang |
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Et leurs habitants rigolos... |
En réfléchissant je pense que si les choses sont faites en conscience, de la préparation de l'expé au choix pris sur le terrain, avec le minimum de "petites flemmes", il ne reste que l'aléa inhérent au fait de vivre, et donc de mourir! Vous pouvez aussi bien vous prendre une pierre sur un sentier, vous faire faucher par une voiture dans la rue. Ces choses ne sont pas différentes. Pour moi il reste seulement à se poser ces questions sur la mort et trouver ce qui me plait dans la vie. Quelles sont les motivations réelles d'un individu, et en quoi elles lui permettent de sortir de sa zone de confort.
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tentative en Face Sud |
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Tonio, le Macchapuchare et le Hiung Chuli |
Le simple fait de vivre en bonne santé à un camp de base à 5500 m étant déjà une épreuve en soi, il faut avoir une réelle motivation pour tutoyer ces grosses montagnes. L'étrange impression d'affronter le cancer pendant deux mois est une expérience que j'ai aimé, paradoxalement. Parce que le corps est poussé dans ses limites, tout comme le mental, des choses nouvelles émergent de votre tête. Tout montagnard est inexorablement amené à le vivre (ou à le subir cela dépend du point de vue!). Parce que c'est bien dans ces zones de la planète que l'alpinisme est le plus exigeant. Parce qu'en ces lieux tout est replacé à une autre échelle et qu'il faut reconsidérer son niveau de A à Z en fonction d'une adaptation métabolique dont nous ne sommes pas maîtres. Parce qu'il est très intéressant de prendre le temps de couper aussi pendant un temps plus ou moins long avec le monde extérieur. Même si le téléphone satellite permet de communiquer à minima avec ses proches, la majorité du temps passé là haut est simplement dédiée à des fonctions vitales très primaires. Il me semble que ce retour à la nature est vraiment important à vivre, peut importe l'altitude. Seul l'isolement est finalement important.
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Acclimatation vers 4000m dans le Mustang, le temps nécessaire pour que le corps et l'esprit rentrent dans l'expé |
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Camp de base de la FS de l'Annapurna |
Particulièrement chanceux d'avoir pu réaliser notre acclimatation dans
l'ancien royaume du Mustang, nous pénétrons peu à peu dans la zone de
haute altitude. Les effets sont particuliers. Comme notre saturation
baisse, l'efficacité de toutes nos fonctions vitales chute également
d'emblée. Que ce soient l'immunité, la digestion, les capacités
physiques. Tout prend une véritable claque et les ressentis sont divers.
L'arrivée à 6100m, sur notre arrête d'acclimatation est un exemple
binaire de ce qui caractérise à mon sens le mieux l'altitude. En
arrivant à ce bivouac, après avoir terrassé puis monté la tente, dans
une activité toujours un peu frénétique, le moment où le réchaud
ronronne et qu'on se pose face à un panorama unique est complètement
orgasmique.
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la première nuit en altitude |
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Le Mustang |
C'est un des plus beau moment que j'ai vécu pendant cette expé. Parce que nous sommes montés rapidement, l'altitude produit l'effet d'un shoot assez fort. En face le Daulaghiri si esthétique, à gauche cet Annapurna mythique et entre, une infinité de pic gracieux de 6000m qui s'étendent à perte de vue. Derrière nous la Chine est toute proche avec ses plateaux tibétains désertiques. Le manque d'oxygène m'offre un ressenti vraiment mystique. Même si l'altitude n'est pas extrême, je vis ce moment avec une intensité immense. Trop surement et je sais que je vais le payer! C'est pour cela que je passerai une partie de le nuit à subir sous la lune. Passer d'un moment si esthétique à une peine si grande est pour moi une des réalités qui caractérise le mieux l'altitude. Parce que tout se monnaye là haut!
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Le lendemain, un peu requinqué de cette nuit sous les étoiles... |
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Pierre, Did et Cyril sur le même sommet à quelques jours d'intervalle |
Notre tentative
Il est 9h ce 27 Septembre et la Face Sud semble s'être levée du mauvais pied. Nous nous sommes réfugiés dès l'aurore dans notre "bunker", à 5800m, aux premières loges d'un spectacle pour le moins mouvementé. Comme prévu dans ces conditions sèches et particulièrement chaudes, le dégel ne tarde pas avec l'arrivée des premiers rayons. Après les petites qui roulent, voici les grosses qui ricochent, puis qui sifflent. Evoluer de nuit est la seule option viable. Mais il faut surtout anticiper pour trouver les prochains abris. En l'occurance, l'entrée en matière dans l'Annapurna ne propose pas tant de possibilités. Peut être cette crevasse providentielle, à 7000m? Entre nous, 1200m de dénivelé, soit au moins 10 heures d'effort. La belle pente de neige, mise en bouche classique de la Face Sud, a laissé la place à une partie rocheuse dans laquelle la vitesse de progression est ralentie. Et si nous n'arrivions pas à atteindre cette crevasse avant le lever du soleil? Si pour une raison ou pour une autre nous étions bloqués dans ce no man's land? Voici plus de 20 jours que nous avons gravi notre dernier 6000, l'acclimatation nous manque et nous doutons de nos capacités pour gravir une si grosse marche en si peu de temps. L'engagement que cette option demande nous semble au dessus de nos forces. "Il n'y a pas de mauvais outils", dit on. De même il n'y a pas de mauvaises conditions! Juste des grimpeurs prêts à s'engager, et suffisamment forts pour maîtriser un terrain mixte exposé et soutenu, sans droit à l'erreur... Pour l'instant nous essayons de rester optimistes. Faire de l'eau, manger et se reposer. Bien que nous soyons à priori bien abrités, chaque sifflement nous tire malgré tout du sommeil en sursaut...
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Le bunker, point le plus haut atteint lors de notre unique montée dans la face à 5800m |
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Seb à l'abri du Bunker |
Nous l'avons rêvée cette face et maintenant nous y sommes! Un an de travail mais il faut se rendre à l'évidence : grimper d'une traite ces 1200 m de terrain complexe représente trop d'incertitudes et trop de risques étant donné notre niveau actuel. D'après notre routeur météo, la situation peut changer avant la fin de notre expédition. Cette tentative est peut être seulement la première, il peut y en avoir d'autres. Peu à peu nous nous résignons. A mesure que le soleil décroit derrière le Hiung Chuli, la fréquence des chutes de pierres diminue. Cette fenêtre de calme nous permet de redescendre en rappel jusqu'à la rimaye. Le lendemain, au camp de base, les prévisions tombent à nouveau : encore une dizaine de jours de conditions anticycloniques avec du vent en altitude. Il fait désespérément trop beau! Le choix est difficile à prendre parce qu'il s'agit d'un projet qui nous a demandé beaucoup d'investissement, mais la détérioration des conditions rend l'itinéraire trop dangereux et surtout bien plus difficile. Nous nous sommes préparés pour ce type d'escalade, technique et engagée. Mais nous savons aussi la réalité de ces ascensions, il faut une motivation totale car le sommet n'est que très rarement atteint à la première tentative. Il faut essayer à nouveau, se ré-entraîner, essayer l'année suivante. Nous ne monterons pas plus haut durant cette expédition que les 6300m de notre premier sommet d'acclimatation, cela fait partie du jeu. Les himalayistes qui nous ont précédés sur cette montagne le prouvent, pour réussir ici, il faut persévérer.
" pour vaincre la montagne, il faut lui obéir" Francis Bacon.
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