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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

1 janv. 2018

"Parce qu'on n'aime pas la Dinde aux marrons!"



Avec Léo et Benjamin nous étions motivés pour grimper en hiver, si possible dans un endroit qui représenterait une aventure pour nous. Nos projets dans le massif du Mont blanc sont couverts de mètres de neige et l'envie d'aller voir ailleurs commence à nous piquer.  Léo, en guetteur attentif de météo blue, zone depuis 15 jours sur le temps qu'il fait à Alleghe. Visiblement il n'y a pas eu de chutes de neige récentes, les conditions paraissent bonnes pour s'engager dans le projet d'après les webcams. Il semble également que le risque d'avalanches soit faible pour l'approche et la descente. C'était ce que nous attendions pour nous lancer dans la face Nord! 

Civetta : voie Solleder-Lettenbauer from gmhm chamonix on Vimeo.




- "Mais ça tombe le 24?"
- "Je m'en fous j'aime pas la dinde"
- "Moi non plus"


Vedrines sort tout son talent de grimpeur pour randonner la fin d'une cheminée au rocher douteux le quatrième jour



On était visiblement tous d'accord pour une retraite hépatique à l'ombre de la Civetta. C'est le genre de projets qu'il nous faut pour progresser en alpinisme mixte, en gestion de bivouacs et en lecture de terrain. C'est une préparation adéquate pour nos futures expéditions et pour des projets plus ambitieux dans les Alpes. L'escalade du calcaire en hiver est beaucoup moins intuitive que le granit : on grimpe parfois avec les piolets, parfois avec les mains. Il faut être concentré et savoir s'engager lorsqu'il n'y a pas de lignes de fissures facile à suivre. Les longueurs de IIIème ou de IVème degré en dalle peuvent parfois être difficiles à gérer avec la neige et en crampons! Ce ne sont pas les longueurs les plus difficiles en cotation qui s'avèrent les plus dures à grimper! C'est un peu une loterie et il faut se donner à 100%, quel que soit le niveau des longueurs. C'est donc très intéressant! 

Pour une première hivernale de l'année le choix de la Solleder s'est imposé de lui même, c'est la plus facile de la face!!! Il y avait l'air d'y avoir également de nombreux endroits pour bivouaquer de manière confortable. Le Philip Flam nous motivait beaucoup mais il y avait surement moins d'endroits évidents pour dormir et l'escalade avait l'air plus difficile...



Nous étions plutôt sur excités de partir grimper en hiver cette directe historique, ouverte en 1925 avec seulement 12 pitons et à la journée par Solleder et Lettenbauer! Ce fut une réussite importante dans l'Histoire de l'Alpinisme car c'est le premier "sesto grado". En 1963 la première ascension en hiver est également marquante. Des problèmes de réchaud leur empêchent de faire fondre la neige et ils brûlent leurs coins de bois pour se faire un feu et tenir! une détermination sans faille! Enfin la première solo hivernale par Marco Anghileri en janvier 2000 est également une performance grandiose. 

Le rocher calcaire de la Chouette propose l'escalade typique des dolomites avec des sections de très bonnes qualités et quelques passages plus compliqués à lire, les prises sont parfois difficiles à intuiter. Il s'agit souvent de petits sucres, de petites écailles peu solides. Il faut donc rester concentrer pour trouver le cheminement de la voie mais aussi l'endroit où dégoter les arquées les plus solides!


le 22 décembre nous sommes arrivés à Alleghe. Par les remontées mécaniques l'accès au pied de la face est rapide. Nous avons grimpé 150m dans la paroi le jour même et fixé une longueur de 5c avant de bivouaquer dans une grotte très confortable et providentielle puisqu'il s'est mis à neiger en début de soirée!


Le 23, réveil à 7 heures, nous avons grimpé les passages qui étaient pour nous les plus difficiles en hiver : les cheminées Lettenbauer. Il s'agit de cheminées en 6a parfois assez lisses où il est difficile de grimper avec des crampons. Il y a également des passages ou le sac doit être hissé car les cheminées sont trop étroites. Cela oblige à une certaine logistique! Nous avons bivouaqué au pied du mur de 150m, à nouveau dans une grotte.



Cheminées Letenbauer, un beau moment de varappe en coincements! obligé d'enlever le casque pour passer..!
Léo dans un 6a peu commode du 2eme jour
Ben dans la traversée des dieux
Léo dans la traversée de 60 mètres le second jour
Léo et les dalles en 3, une histoire d'amour

Le 24, réveil à 5 heures, nous avons attaqué l'escalade à la nuit et avons franchi le mur en 4 heures, l'escalade y était beaucoup plus agréable, avec pas mal de pitons en place dans du rocher sain. L'après midi a été plus laborieuse car il a fallu grimper la "cascade d'eau" qui était un bouchon de neige compliqué à franchir. Il a fallut passer en artif en pitonnant à coté. Une belle journée d'escalade très variée. Nous avons atteint le soir notre dernier bivouac, 200 m sous le sommet de la voie. A nouveau un très bonne endroit pour dormir allongé sur une épaule neigeuse.





Matin du troisième jour, réveil en compression et crampons qui ripent!


Une longueur démente du 3 ème jour

Benj au combat de rue avec le bouchon de la cascade d'eau
Benj dans une longueur superbe en V après la cascade d'eau


Réveillon à la dinde lyophilisée et textotage en règle

Le 25,  dernier réveil à 5 heures. Nous avons grimpé les dernières cheminées délicates en 5, puis nous avons rejoint le sommet vers 10 heures. Nous sommes redescendu à zoldo par la via ferrata delli alleghesi. Il y avait beaucoup de neige et les câbles étaient souvent recouverts ce qui a rendu la descente intéressante! Nous avons du utiliser un rappel sur une section vraiment trop encombrée de neige.







Benj dans les dernières cheminées récalcitrantes
Benj grimpe sans tirer au points quelques mètres sous le sommet!! Une belle performance ;)


Sommet de la Chouette

Nous sommes arrivés dans l'après midi à la station de ski de zoldo puis nous avons pris un taxi pour Alleghe. Le lendemain nous avons loué des skis pour retourner chercher les nôtres au pied de la paroi.


Sans connaitre le massif de la civetta, de nombreuses questions se posent : Par ou accéder au pied de la voie? ou laisser les skis? par ou descendre? quels sont les risques d'avalanches?... Bref pour nous c'était intéressant de réfléchir à la stratégie à employer, déterminer le nombre de jours de nourriture à emporter dans la voie, décider quel matériel amener avec nous. C'était aussi un très bon entrainement de grimper sur ce rocher calcaire en crampons car il n'y a pas tout le temps une ligne de fissures à suivre et l'escalade est parfois engagée. 

Nous avons rencontré Walter à la fin de notre périple, le gardien du refuge Tissi, qui nous avait laissé un mot sur notre voiture en voyant que nous grimpions dans la face NW de la civetta! Par hasard un ami à lui, Diego, lui avait dit qu'il avait vu des grimpeurs avec des cordes sur la parking et il s'était dit que nous partions pour la "paroi des parois" ;) . Il nous a donc payé des bières à la pizzeria "Al Fornal" (que nous conseillons d'ailleurs!!) tout en nous racontant les histoires de la paroi et des gens qui l'ont faite. Un très bon moment, une belle surprise pour nous que de voir ce bel esprit autour de la montagne en Italie.


récupération des skis le 5ème jour du périple

les tofana di rozes vues depuis R30

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