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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

24 avr. 2012

Magic Mushrooms

                     

Lien vers le topo issu de l'article Alpinist

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-"Deux."
Le ronronnement du Reactor et la perspective d'une gorgée chaude me font émerger de la tiédeur humide du duvet. Autour l'abiance est pour le moins givrée. La joie des bivouacs en montagne me laisse perplexe à cette heure matinale. Un bref moment d'introspection et je m'extirpe définitivement.
-"Extrême..."
-"Mon gars ça colle!"
Un coup d'oeil au thermomètre corrobore mon début d'onglée
-"-20 dans la tente ça dresse."
-"Abo..."
Fini les blagues, les "Hééé deuxième jour dans la Bonatti Vaucher aux Jorasses!", Carpe Diem s'est fait la malle. Ce qui motive c'est tout sauf l'instant présent et le froid polaire qui va avec. L'égo et les bières mousseront plus tard... Ici c'est l'école de la baston!
-"Putain c'est trop chaud cette merde."
Les mains tapent pour se réchauffer et il m'est difficile de distinguer avec précision les traits bouffis de l'énigmatique Robin dans la buée ambiante.

 Un des cinquante autoportaits de Robin dans la MOosE... 


-"Deux!"
Le ton a changé, je crois qu'on est réveillé. "Deux", c'est le code, notre fil rouge pour la bouffe. Tout faire en double c'est notre base depuis trois jours. Je lui tend le shaker, une mauvaise poudre et de l'eau trop chaude constitue le petit dej "Parfum fruits rouges"... On descend le gobelet en bourrant les duvets gelés dans le sac.
-"Qu'est ce qu'on fout là sans déconner?"
-"D'abord la chaussure gauche, toujours..."
Les grosses s'enfilent rapidement et je sors définitivement du cocon, tête première. La renaissance! Pas besoin de forceps... Le lever de soleil me scotche, le paysage est démoniaque. Quatrième réveil sur la Moose et c'est quand même bonnard!


Au programme aujourd'hui, un peu d'artif, du mixte dans une belle fente aguicheuse et probablement du Mushroom mention "All you can eat". On grimpe avec Estelle et Tof, et on fixe à tour de rôle notre itinéraire dans ce dédale impressionnant, avec toujours la violence de la remontée sur corde en hissant nos baluchons patatoïdes.

Everest et son sac pas léger au dessus du troisième bivouac
Rob ouvre le bal dans une traversée où le pitonnage semble pour le moins mal commode. Une heure plus tard il s'arrête au pied d'une goulotte divine et hurle "relais!" Je tends la tête, il est à 10 mètres... Je le rejoins.
-"C'est ingrat l'artif quand même..."
Pas de réponse, on change le matos et je m'élance dans du mixte de rêve où le rocher croustillant contrarie quelque peu le piquant de mes crabes. Une dizaine de zipettes plus tard, je pose un relais dans la belle offwidth. Pour fixer les longueurs, on grimpe avec 5 cordes au cul et chaque changement de leader relève d'une manip bac+9... Autant dire qu'une fois sur deux ça bug.

                    

Après quelques pas d'artif, Mister Everest attaque le mur de neige. Je suis droit dessous et la goulotte me canalise tout dans la truffe. Insidieux matériau qui se faufile le long de l'échine... Sale quart d'heure pour moi, belle reptance pour Fat Robin qui finit par disparaitre derrière l'arête. Un coup d'oeil en bas, Tof trépigne au bivouac, encore plus au také de nous voir grimper que nous d'avancer dans ces champi inhabituels. 

Premiers crux.. Les longueurs en mixte du premier jour
-"Tombe pas!"
Un sourire moqueur et une pointe d'ironie dans la voie de Rob me rassurent. "En second la neige c'est facile"...  Je me hisse au mieux dans cette verticalité inconsistante. Je rejoins la hyène.
-"T'oses même pas te pendre?"
Un piton et une broche dans de la glace qui n'a rien à envier à celle du poissonier de Carrefour constituent son relais... Connaissant le garçon, je sais qu'il n'y avait rien à faire en plus. Tant pis!
-"Ouais Bof... Un ptit Théooo?"

Rob le deuxième jour dans une goulotte avec sortie en neige. Option Run Out

L'excuse du thermos pour envisager la suite et c'est reparti pour une belle bagarre neigeuse. La pelle en bandoulière, je me fraie un chemin dans le champignon qui nous surplombe. Une longueur plus tard me voici au sommet, suspendu en plein ciel et ma corde qui file soixante mètres plus bas jusqu'à Robin et son relais douteux, sans intermédiaire. Gloups... J'imagine même pas la zipette...

Le Spicy Mushroom 
La suite, c'est le choc! On croyait pouvoir rejoindre la belle goulotte de la voie Gracey-Heliker à partir d'ici. En fait on est bien plus haut que l'arête... Je m'assois sur cet immeuble de neige, cloué par la situation. Quatre étages plus bas, le champi est posé sur une arête effilée qui vient buter sur un éperon étrangement lisse et raide. En contre bas la goulotte tant convoitée est notre seule issue. Mais comment l'atteindre? Ici pas de relais envisageable sans corps mort... Le vide qui fuit de tous les côtés et le temps de merde qui sévit depuis qu'on est parti me minent le moral. J'entends les gros sabots du but résonner à mon oreille et mon manque d'expérience me pèse. Je ne trouve pas la solution. J'enfouis mes deux piolets dans la neige et tape un rappel. Redescente au bivouac.


Estelle et la remontée sur corde

Quand on débarque aux tentes, on arrive la queue entre les jambes, bien sceptiques sur le moyen de se sortir de ce mauvais pas. On a passé la journée à jongler entre de la neige expo, des manips pénibles et des longueurs où l'engagement est pour le moins inhabituel. Le rupteur mental n'est pas loin. 
-"C'est pas finit coach..."

Au matin du deuxième jour. Encore la cacahuète et du beau temps. Mais ça va changer!
Tof est à bloc. 
-"Dément les mecs! C'est gagné!!" 
Sa réaction me secoue. Pour moi tout était bordélique et noir. 
-"C'est des détails, demain on fixe une corde au relais de Rob, on en raboute une autre et on rappelle de l'autre côté du champi. Et ça le fait."
Je replonge dans notre abri, accessoirement posé sur une arête qui s'est à moitié effondrée avec Estelle lors du terrassement un jour plus tôt. On est roosté. Le bruit du Réactor se réveille à nouveau et l'ambiance se détend. Un lyoph et on sombre.

Un Robin un peu éprouvé??
Le cinquième jour, Tof prend les manettes et on rejoint la Bracey après quelques manips audacieuses. On file jusqu'à l'épaule de neige dans une goulotte où l'ambiance est géniale. En dessous de nous les lignes de fuite et le champignon géant dessinent un paysage surprenant. Tour à tour, on fait le clignotant sous les spindrifts. Le vent à bloc et les températures polaires nous font découvrir l'Alaska à la sauce Spicy. 

Après le Spicy... gazeux!

Pour rejoindre la goulotte


En pleine action avant les spindrifts!
                     


Le Denali nous réserve un beau clin d'oeil à notre arrivée sur l'arête nord. Le panorama quatre étoiles nous va bien et nous établissons notre dernier camp ici, environ 400 mètres sous le sommet.


Le lendemain, il fait encore plus froid. Il est deux heures et demi et c'est le summit day. On part légers et on tente le top coûte que coûte. Sur les 1100 premiers mètres de l'arête que nous venons de parcourir, nous avons rejoins la voie Bracey Heliker sur environ 150 mètres. Les deux écossais s'étaient arrêtés sous le sommet sans pouvoir l'atteindre en butant sous une grosse barre de séracs. 

Si on arrête de passer sous les séracs... On arrête l'alpinisme!
Avec Rob on est éclaté et plutôt content d'avoir déjà ouvert ce beau morceau. Les séracs qui parsèment le chemin jusqu'au sommet de la Moose ne nous enchantent pas trop. Un petit mal des rimayes s'installe. Sans la motivation débordante de Tof, on se serait surement arrêtés là. 
-"Partir sans le sommet, on le regrette tout une vie."
L'expérience du gaillard, on l'écoute et on sait qu'il a raison. Il nous guronze et on le suit. Aujourd'hui, c'est lui le moteur. Chacun a fait sa part du boulot jusqu'à présent et si on grimpe en équipe c'est aussi pour ça. Tof part devant et trace jusqu'à l'arête terminale après une bartasse de sept heures où la fatigue accumulée pèse lourd. Le cheminement glaciaire complexe et exposé qu'il trace sous nos yeux nous permet de parcourir le haut de la face nord, encore vierge. Les difficultés sont modestes mais les conditions de neige et de froid nous défouraillent. L'arrivée au sommet est pleine d'émotion, presque une petite larme! 

On est tombé d'accord sur le nom, ce sera "Magic Mushrooms", parce que la bas les champi c'est l'hallu assurée!
 On dormira au dernier camp et on rejoindra le glacier le lendemain après une journée de rappels. Tout le monde a pris sa dose. Maintenant c'est Pancakes à volonté pour se renflouer un peu. Le repos au camp de base avec la croix en poche fait plaisir. Il se met à neiger comme le point. 1m20 de neige en une nuit! Fallait pas trainer plus..



 


Merci à Tof et à la FFCAM pour cette expé démente et réussie. Une mention spéciale à Estelle qui a enduré le froid avec la banane et qui s'est certainement moins plainte que nous! Bravo aux quatre lascars Titi Gentet, Simon "Péloche" Rémy, Rom Jannequin et Djamel Stagnetto pour leur beau hold-up à la Bear Tooth. Merci à Robin pour cette semaine de fou et pour la nuisance des trois autres!
Merci à ceux qui nous ont suivit dans cette aventure riche en expérience pour nous tous.
A + !

                                                                                            










3 commentaires:

  1. triple félicitations pour l’ascension. Et de très nets encouragements pour cet article ne se bornant pas aux aspects techniques occultant ainsi la part humaine de l'aventure et les bonnes blagues.
    Télérama

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  2. super les gars ! je vous adore !

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  3. Venu là en suivant le lien d'un copain trailer, ça me laisse sans voix mais c'est grandiose. Supers photos et texte qui va avec.
    Vous êtes des fous. Bravo.

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