Au sommet il faut imaginer Sisyphe heureux... Lui qui a tant de fois roulé sa pierre et sa peine jusqu'au bout de sa bosse. Pris de convulsions de joie, après la souffrance et la peur, qu'il est bon de se laisser aller. Chacun à sa manière, Tonio avec son bouquetin, moi avec ma mère au bout du téléphone en sanglotant comme un bienheureux... Rien de bien reluisant que d'appeler sa mère au sommet de son premier 8000. Rien à dire si ce n'est qu'on est au sommet. Et le dire à bout de souffle. Un sommet qu'on a atteint à quatre pattes après les 50 mètres de déniv les plus longs de la terre...
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Bravo Putain
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La mauvaise photo du sommet, mais on le voit quand même dans nos yeux |
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Trop de souffrance à évacuer et encore tant de risques à prendre pour ne pas rester scotcher là haut. Et pourtant c'est beau là haut. "C'est beau ce putain d'Everest" d'après Tonio. Moi je vois pas si loin je crois! Par contre j'ai l'impression de voir la courbure de la Terre... C'est possible ça Docteur?
Faut que j'appelle ma copine maintenant. Non, y'a pas d'ordre. Elle est moins importante que ta mère? Pourtant je devais l'appeler d'abord, ma mère... moment mystique quand même. Je comprends toujours pas! Tout ça pour se répandre entre rire et larmes, comme si je venais de me faire jeter par ma miss et qu'on m'annonçait avec certitude que j'allais être heureux dans une minute... Vous avez dit bizarre? Qui l'a dit? Parce que c'est sûr qu'il y a des gens sur le sommet central. Je les ai pas vu mais je les ai senti m'observer, c'est sûr. Il y en a aussi sur le petit sommet à l'Est. Ca grouille.
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Quelque part vers 6400m |
Ratiche me tape sur le casque, coup de buzzer qui me ramène d'un coup dans la réalité du moment. "3ème expé, 1er 8000"
"Bravo putain"
Les trois niots avec lesquels on se hisse ces quelques jours sur "ce simple pli de l'écorce terrestre"... Ces moments avec eux restent gravés dans la tête comme ces deux noms dans les pierres du shisha, ceux d'Antoine et de Philippe. Pourtant nulle pensée pour eux au sommet, juste une nouvelle saveur de la vie, franchement égoïste mais si rare. Je me suis pris pendant plusieurs heures à pleurer dans le "couloir en forme de cosse de pois", ce couloir dont j'ai rêvé ces derniers mois. Je l'imaginais moins raide à dire vrai.
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Deux noms gravés |
Pourquoi je pleure?
Pourquoi je pleurerai pas?
Les premiers sanglots à 5 heures du mat, entre deux bourrasques et deux onglets des pieds, dans l'obscur clarté d'une lune bien pleine, sont venus en repensant à pourquoi... Pourquoi je laisse ma copine, pourquoi je sens mon bide se serrer à l'idée d'un chiffre. J'ai toujours dénigré cette barrière métrique, je supporte pas l'idée des 14*8000, et pourtant je m'apprête à pleurer plus fort que jamais sur un sommet qui n'aurait jamais eu cette aura ni cette liste de mecs morts gravée sur ses flancs s'il faisait 43 mètres de moins.
Forcément tout ce brassage nerveux inspire. Et parce que cette expé a été écrite sous l'égide de la poésie, je peux y aller de mes trois phrases en prose je crois non? Alors voilà la petite giclée qui est sortie de mon ancéphalogramme encore bouleversé, alors que nous rejoignons la civilisations avec nos braves yaks...
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Tonio après le mixte |
Amitiés Himalayennes
Oui toi mon frère aide moi à devenir libre
N'essaye pas de me contrôler
N'essaye pas de me sculpter à ton image
Laisse moi m'épanouir à ton étoile
Laisse moi devenir ma propre onde
Prends moi la main
Arraches moi à la morne platitude des non dits
Ensemble, risquons nous,
Par delà les crètes
A voir à quel point, de l'autre côté
La vie est belle!
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La photo à 50 euros... |
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Bivouac à 7150m, un terrassage extrême! |
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Bivouac à 6650m |
Ce qui est sûr c'est que la chance était avec nous. Assis sur mon caillou au dessus du couloir, "j'assure" mon pote Moatti en ravalant la corde entre mes mains. Si il tombe je meurs avec lui, si une pierre tombe sur lui on meurt. Et pourtant je n'ai rien pour faire mieux.
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Moatti attaque sous le pea pod couloir |
Mais je crois qu'on a lâché depuis longtemps là dessus. Ce qu'on veut c'est que la montagne nous laisse la grimper, qu'elle reste tranquille ces quelques heures. Seb s'assoit avec nous. On est tous les quatre et le jour se lève doucement. Le vent nous accompagne. Il nous reste plusieurs heures d'effort pour atteindre le sommet. "On pourrait mourir là" dit il. C'est vrai qu'on est déjà gazé et qu'il fait un froid insidieux. Ca doit être sa phrase qui m'a fait repartir!
Moi j'ai pas envie de mourir là, ni de laisser quoi que ce soit de moi là haut. Chacun se gère le froid comme il peut. Le sommet apparait au soleil là haut. C'est là que je pleure pour la première fois je crois! Quand je le vois à portée de main. Ca sent bon et c'est magnétique, c'est vrai. Heureusement qu'une chute d'encore quelque degrés m'oblige à revenir à la réalité d'un pied qui a froid, sinon j'aurai pleuré non stop jusqu'en haut.
... Et quelques clin d'oeil en vrac
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Passage de la rimaye à 7000 |
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Mixte à l'entrée du pea pod couloir |
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Arrivée au bivouac à 7150m |
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Petite dalle! |
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Moatti et l'Eiger |
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accès au pied de la face |
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Frozen lake |
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Retour à Nyalam, entre pressions et décompression |
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Broutage de Yacks |
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La longue descente sur Nyalam |
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Camp de base idyllique à 5300m |
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Les mauvais yacks-boucs |
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Avalanche himalayenne |
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Rien de gelé! |
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Un peu de pub pour Salewa, une fois n'est pas coutume! |
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Des p'tits points et des gros seracs |
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La face avec ses belles couleurs |
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Moraine et belles montagnes |
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Objectif lune |
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Camp de base avancé |
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Seb et le Triangle Peak |
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Des sacrés projets... |
Roh putain vache, de voir ta tronche sur fb, ça m'a fait pensé que ça faisait un petit (sacré) moment que je n'étais pas allé jeter un œil sur défouraillages.com et là, surprise : Elles sont tellement trop classes ces photos du Xixa. Bien ouej vieux,
RépondreSupprimerLa bise du doubiste
Ohoh! le yannou... Ca fait un bail qu'on s'est pas vu tout court!
RépondreSupprimerPlaisir d'avoir de tes nouvelles
Et appelle quand tu passes à cham y'a plus de chance que ce soit dans ce sens là que l'inverse ;)