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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

27 août 2014

Trip Ecrins

ANTÉCIMES, UNE QUÊTE D’INACHEVÉES 




Les lumières se tamisent et la route qui nous mène à la Bérarde n’en finit pas de méandrer dans un
panorama définitivement addictif. Le trip écrins, imaginé par Mémé, prend fin. La dernière manip de
bagnole, avec mon père, reste un moment privilégié. Le corps fatigué et l’esprit embrumé, encore
accroché là-haut… Je crois que plus je la pratique, plus je la trouve belle cette Montagne! Toute
proche, voici la face NW des Ecrins. Et plus loin, à moitié dévoilée, celle de l’Ailefroide. Avec la Meije,
notre périple nous a menés dans le plus sauvage des Oisans.



Lumières rasantes et sommets enneigés, l’herbe grasse et l’ambiance de la Bérarde nous comblent.
Pour mon père, celui qui reste insensible à cette beauté-là a du souci à se faire. Peu de mots mais la
sensation d’être privilégiés, submergés par ce lieu. Cette immersion nous a apporté plus que des
courbatures. J’explique à mon padre nos variantes, nos approches et nos peines dans ces parois qui
se révèlent parfois être des dédales de rochers catastrophiques, parfois des goulottes et des
plaquages parfaits.
En passant par la Grave, nous nous arrêtons un instant au soleil. Un doigt pointé sur notre ligne et le
sourire aux lèvres. « Tu vois c’est là le crux!» Souvenir de la vibrante dans cette longueur aux
plaquages encore trop peu fournis... Alors que le temps se gâte et que les spindrifts s’en mêlent, au
moment où le sommet nous échappe, enveloppé dans un mauvais lenticulaire. Le vent a forci et la
suite logique semble la fuite à la brèche Zygmondi puis au refuge de l’Aigle. L’idéal, nous l’avions
imaginé en remontant les rappels par la voie normale. Cette fin de voie déjà existante nous aurait
pourtant permit une ascension plus complète, plus soutenue et plus logique puisqu’elle aboutissait à
un sommet. Mais elle obligeait également une descente sur le refuge du Promontoire bien plus
longue que notre fuite par les arêtes. Arriver à une heure déraisonnable n’aurait pas été un bon
départ pour notre enchainement, il nous fallait voir plus long et donc se réserver pour la suite que
l’on savait difficile. Sur les arêtes, vent dans le dos, on sent déjà le festin qui nous attend à l’Aigle.
Entre deux bourrasques, caustique, je pense à l’autobiographie qu’un jour peut être Mémé nous
écrira… « Antécimes, ma quête d’inachevées ». Je pouffe une dernière fois dans ma doudoune et
nous plongeons sur le Glacier de l’Homme en laissant derrière nous notre "été blizzard" de la face nord
Après une nuit passée à L’Aigle, bercée par le tapage d’un refuge sans cloisons, heureusement
compensée par des gardiens généreux et passionnés, nous repartons pour le bivouac de
Bonnepierre. Direction le Serret du Savon puis la Brèche de la Meije. Le temps de se faire sauter
(encore une fois !) la panse au Promontoire par le plus copieux des repas et c’est la méditation de la
marche, écouteurs sur les oreilles. Saisir le chemin parcouru et prendre conscience que ce n’est que
le début. Sentir déjà les jambes lourdes et se concentrer à nouveau. Demain le réveil sonnera à 4h
pour une voie que nous sous estimons encore trop !




CONFIANCE 



C’est Sylvain Di Giacomo qui nous rejoint pour la voie « Passy Bonnepierre direct » à la pointe du
même nom. Idéal rocheux et raide du cirque, j’imaginais encore une escalade physique où beau
caillou alternerait avec plaisir du geste. Que nenni ! Je n’avais pas encore cerné ce qu’Arnaud
Guillaume considérait comme étant du « bon rocher ». Avec un nom pareil, j’aurai pu m’en douter!
«Pas si bonne pierre » …

Moraine de Bonnepierre, transition entre la Meije et... Bonnepierre justement!

Une mauvaise longueur scabreuse parmis d'autres


On ne compte plus les écailles arrachées à la main à l’endroit où les pitons trainent encore et les
longues sections où il faut s'engager bien fort pour arracher une longueur en 6b. Un niveau
simplement flagrant nous sépare de cette fouine de l’Oisans, voilà tout... Nous avons l’habitude de
tirer sur les prises, pas de les pousser vers le haut pour qu’elles tiennent. Cela explique sans doute les
courbatures le lendemain matin!
Pendus à trois sur un énième relais plein gaz, consolidé au mieux par six friends couplés, il faut
comprendre le degré de confiance que l’on s’accorde en se confiant ainsi nos vies. Hisser le sac et
assurer deux seconds dans un rocher à ce point déliquescent oblige un relais irréprochable. Alors quand le leader nous annonce qu’il est au sommet de la longueur, il faut lui confier notre sécurité. Il
est surprenant de s’engager à ce point dans la vie de tous les jours. Pour ça aussi la montagne est une
expérience unique. La vie mais en plus fort, assurément ! Certes une ascension dans les Ecrins est
loin de ce qu’on peut vivre en Himalaya mais l’engagement est là et il faut lâcher, faire confiance,
parfois une foi aveugle. Bref, c’est à minuit que nous errons au sommet en cherchant encore la
« Descente facile » qu’on nous avait indiquée. Verdict, rappels droit dans l’axe dans un couloir-
éboulis vertical où il faut se référer à l’article 22 dit du « Démerdes toi comme tu peux» pour
pitonner un relais correct. Et tout cela pour parvenir sur le Glacier Blanc, à l’endroit même où le plus
gros sérac de l’Oisans déverse son embonpoint sur qui aura la malchance de s’attarder un peu trop.
Une voie qui d’un avis commun pourra être facilement déconseillée, même à un des architectes de
l’Aigle…
Lesueur aux manettes


Autant vous dire que lorsqu’on apparait au refuge des Ecrins pour une nuit qui commence à 4h et qui
finit à 7 parce que le gardien doit faire le ménage dans son refuge, le manque de sommeil commence
à peser lourd sur la bonne humeur. Mais les copains sont bons et à la différence des petites asiat’
dont raffole tant Pierre Labbre, nous, nous avons choisi notre situation... Nous sommes de passage et
c’est aussi intéressant de voir les différences d'un refuge à l'autre. Tous ces gens qui nous reçoivent
chez eux n’ont pas le même vécu en montagne, tous ne savent peut être pas ce que vous laisse dans
les pattes une bambée de 24 heures, ou peut-être ne veulent ils simplement pas prendre le temps de
se mettre à votre place. Toujours est-il que la descente sur la Bérarde se passe parfaitement. Nous
profitons de l’excellent rééquipement des câbles du versant Bonnepierre du Col des Ecrins et c’est
sans dangers que nous récupérons notre bivouac. Bien contents que le temps se dégrade pour une
journée de repos, nous fuyons à Briançon s’éclater deux-trois entrecôtes au chalet de la Schappe et
c’est reparti pour la suite du menu.

L’ENFER C’EST LES AUTRES 


Quand Pierre Labbre-Labbre nous rejoint à la Bérarde, c’est un homme stressé et fatigué par la vie
que nous récupérons. Heureusement, une pause dans son overbooking chamoniard va lui faire grand
bien...

Plaque inférieure

L’Oisans l’appelle et c’est en citant Sartre qu’il nous relate sa traversée du col du Galibier, paralysée
de bouchons en tous genre: « L’enfer c’est les autres ! ». Il ne peut s’empêcher de nous lâcher un
petit « Quelle engeance... » lorsque la pluie s’invite à notre montée à Temple Ecrins. Déroutant son
propos sur une philosophie anarchiste et agonisante il nous distrait déjà beaucoup et nous regonfle
le moral. Le grand Pierre Labbre est de retour dans l’Oisans et ça va faire mal. Entre gloussement,
crétineries en tous genres et peine immense, notre fine équipe ne me fait pas regretter une seconde
d’être trempé jusqu’aux os et de peut-être buter demain, à la rimaye!

Plaque inférieure bis


Le réveil à deux heures ne passe pas trop mal mais nous nous faisons sanctionner, lors du petit dej,
par les gardiens encore endormis. Nos rires vraisemblablement pas assez étouffés et nos histoires en
dessous de la ceinture peuvent agacer... Mea culpa, mais là, l’excitation est trop grande! Et qu’il fait
bon hurler dehors, se défouler et espérer que le nom de Maynadier ne reste pas associé à celui d’un
connard de la pire espèce dans l’esprit des gardiens de Temple Ecrins...

Départ GOULOTTE!!! MIAM

Au lever du jour, l’Ailefroide est en vibration, l’ambiance est saisissante avec les spindrifts et le noir
de cette nuit sans lune. Nous suivons Mémé dans le départ classique de la voie des plaques, du 4
verglacé pour se réchauffer avant le rappel pour rejoindre la plaque inférieure. Labbre-Labbre nous
remonte cette même plaque en premier de cordée et par un heureux hasard je me retrouve au pied
de 4 longueurs de goulotte qui n’attendent qu’à être ouvertes ! Un régal bien baston qui nous
déposent à 14h à l’embranchement entre la voie des plaques qui fuit à droite et la nouvelle goulotte
majeure ouverte par Helias, Tough et Antoine sur la gauche.

Huuuummm.... Belle goulotte rigoulotte!


Et encore une louche, que c'est bon et qu'il commence à bieller le Neau Niot!


Sans matériel de bivouac, la sortie dans  la goulotte du « Reactor » va nous obliger à grimper de nuit dans du 5+ en glace... Gloups, on a déjà  du plomb dans l’aile et il faut se rendre à l’évidence, ce sera trop dur pour nous d’enchainer tout ça...

Mémé rejoint la voie des plaques, on abdique!

M5 de la voie des plaques

On fuit donc à droite et Pierre s’envoi la longueur en M6 de la voie des plaques en pures plaquages vicieux et délicats. Au relais je ris jaune en le voyant s'élever le long de ces 40 longs mètres de grimpe
au mental.

Plaquage mental façon vietkong bonne maman...


Confortablement posé sur ma vire, je ne regrette pas une seconde de faire cette longueur
en second. La suite, c’est la sortie au sommet de l’occidentale et une arrivée directe dans la cave...
Heu pardon ! La cuisine de Raoul, au Sélé pour une fin de trip en douceur, fatigués mais contents...



"Selfies d'un beau gosse" ma vie en couleurs, le prochain best seller de Pierre Labbre Labbre


Tony ne se tient plus au Sélé!
Nous devions terminer l’enchainement par une voie en face Ouest de Sialouze avec Anthony Lamiche. Notre objectif étant détrempé par la pluie, nous n’avons pas grimpé. Merci encore à Tony d’être monté au refuge. Merci à lui pour son optimisme et sa disponibilité !

Merci à tous ceux qui nous ont aidés, logés et encouragés dans ce trip, les copines, la famille, les
copains et les gardiens.


2 commentaires:

  1. Contente de retrouver ta prose qui permet de vivre un peu de cette aventure a 15 000 km de tes sommets !
    Enhorabuena Hermano, c'est beau tout ça !

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  2. Faudrait quand même changer la première photo de Mémé ensanglanté! ça fait peur aux gosses et aboyé le chien ! ;-)

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