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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

23 déc. 2014

Nuits blanches et empanadas

 


Les yeux perdus quelque part sur les séracs hérissés du Cerro Pollone ou sur la surface imberbe du Hielo Continental... le cerveau shooté à la beauté patagone. Après trente jours d'une expé démente où presque tout a déroulé, on se tient au sommet du Fitz Roy.
Une montagne qu'on a gravi par sa voie normale et qui plus est en se mettant une trash dont mes chicots (pourtant déjà bien tordus par le peu de soin dentaire caractéristique des Hautes Alpes et le passage de Tchernobyl) se rappellent encore. Une beauté de l'escalade, du caillou, et de cet arrière plan qui s'élargit avec notre progression verticale. On a répété une voie merveilleuse ouverte il y a presque 50 ans. Juste le plaisir de la grimpe et de la recherche d'itinéraire. Le plaisir et la douleur aussi. On a beau grimper la voie la plus facile ça nous aura couté de l'énergie. La Pata c'est les Alpes version Fight Club, et nous on carbure aux fruits secs... Autant vous dire qu'on mange épais à chaque sortie!
Petit instant d'extase au sommet de cette montagne vraiment ubuesque, dantesque... Pas étonnant que son pilier Nord soit nommé Goretta, c'est une montagne de cochon. Trop belle, trop massive, trop gargantuesque. Et surtout aux premières loges du mythe Torre. Quelque soit l'endroit ou se posent vos yeux, c'est quelque chose.
Un gamin devant un gateau on vous dit!



Minus et Cortex


Quand on arrive à Chalten, le premier truc dément qui vous saute aux yeux avant même d'apercevoir le Cerro Torre dans son lenticulaire, c'est l'illumination quasi mystique que vous procure le couple Labbre-Tomasi!
Là c'est déjà un voyage qui pourrait être une fin en soit. ET même si votre expé est gâchée par la météo ou tout autre blessure au genou, rhume, fièvre...
(cf Mathieu Détrie, cas sur lequel on reviendra plus loin)

Bref vous les prenez en inactivité latente devant un énième Game of Thrones ou bien après la quatrième tarte au chocolat de la majeure Chocolateria. Et puis vous les laissez vous vendre du rêve, tout simplement. Vous prenez un vieux couple sous acide, vous saupoudrez d'une once de décalage dans les objectifs. Vous relevez le tout avec un Pierre Labbre Labbre dont la superbe n'a rien a envier au célèbre chevalier de Montmirail et c'est gagné! Apparaissent devant vous Minus et Cortex version 2.0.

Minus qui essaye de s'échapper désespérément vers sa moitié restée outre-Atlantique mais Cortex qui le rattrape par le bout de la queue, calmement.

TENTER DE CONQUERIR LE CERRO TORRE!




Ce Cortex gonflé aux hormones de cheval qui veut croiter la terrible "Directissime de l'Enfer", si possible en libre, et cerise sur le gâteau en traversant le massif et en parcourant au passage "Venas Azules" après être redescendu par "l'Arca". Bref, un gros morceau...

Et les deux rats ont troqué leur beau pelage blanc contre une paire de piolets et une mauvaise connexion internet pour consulter toute les trois heures le terrible bulletin noaa.com
Alors quand il rentrent de leur sortie "coup de poker" à la Poincenot par sa voie normale (pourtant magnifique au demeurant!), là c'est PopCorn et Caramel mou. Vous vous callez confortablement dans votre fauteuil et vous salivez devant le retour de course. Le plus dur étant de contrôler le labourage abdominal qui va avec. On est sous Compex puissance max et on subit les crampes...

Minus :
"Pas mal notre sortie là, super montagne et quelle ligne!"

Cortex, raclant la gorge, déjà énervé et d'une voie grave qu'on lui connait :
"Mais putain quelle engeance ce type! "
il reprend une bouchée dans son troisième brownie en rinçant le tout avec un verre entier de jus d'oranges pressées. Ses yeux s'exorbitant avec la montée de Vitamine C.
"Un pauvre kairn en D, j'avais pourtant dit que la montagne ça devait être soit extrême soit payé bordel! Là c'est carrément la loose. Non mais allô quoi! Et puis l'autre niot qui fout le réveil à 23h30 au lieu de minuit, mais la j'ai cru que je l'étripais. Allô quoi! Le sommeil c'est sacré merde!"
Un mouchoir pour éponger la sueur qui dégouline de son front, les yeux révulsés.
"Quelle putain chaleuuuuuurrrr".

Dehors les bourrasques de vent emportent avec elle les cannettes de conserve et il faut rester prudent pour ne pas être décapité par ces morceaux de métal lancés à toute berzingue. A croire que la verve royale de Cortex en retourne toute la météorologie locale.
Une ombre courbée s'avance pourtant péniblement dans ce western d'un nouveau genre. A peine discernable entre les nuages de poussière soulevés par l'effet Pierre Labbre. Une ombre boitillante, un mouchoir qui se dessine malgré tout dans sa main droite. Une vilaine doudoune orange... Pas de doute c'est bien lui!

Mathieu Détrie ne s'est donc pas pendu dans sa chambre, il a du trouver la dernière lueur d'espoir, la dernière force pour quitter son lit et migrer contre vents et marrées vers le bar. Après s'être retourné le genou en mulant sur les blocs de Chalten, il a enquillé avec une vilaine grippe et le tableau n'est pas beau à voir...

Heureusement, les dieux sont avec nous et la chance va tourner!

Le créneau du mercredi


Réveillés par une météo enfin optimiste que nous analyserons hâtivement comme étant l'anticyclone du siècle, nous décidons de quitter ce monde de fous pour aller se refroidir les méninges dans le massif. C'est notre premier essai pour ce que nous appellerons plus tard le "créneau du mercredi". Ce concept du créneau du mercredi est assez intéressant car il se rapproche élégamment du concept du créneau du Jeudi et de celui du Vendredi, à savoir qu'il n'y a pas de créneau...
Pour les jeunes chiens de talus, c'est une aubaine pour aller "prendre de l'expérience". Cet euphémisme aux relans d'échec non avoués n'est pas vu du même oeil après 25 ans de pratique assidue de la montagne. Alors il faut guronzer le patron, notre chef d'expé, qui, malgré quelques cheveux blancs, arbore un abdomen encore parfait. Pas une once de graisse sur ce corps vif, presque pas une ride sur ce faciès acerbe, presque une explication psychologique sur tout pour cette âme cartésienne et sensible.
Alors on lui agite des "verrous de lame déments" du "rocher de cinéma" et parce qu'il s'en fout de marcher dix heures pour un mauvais but vous lâche un gentil "OK on va voir".
Appuyé par le flegme légendaire de Sebastien Bohin notre druide et de notre élégant et prestant officier Jourdain, nous voici partis, carte blanche et empanadas en poche, pour un Vol de nuit pas si facile à attraper.

VDN et VDM

Vol De Nuit est une voie qui nous excite depuis notre arrivée à Chalten. C'est à dire depuis le jour où on a compris (avant Pierre Labbre) que nous ne ferons pas (cette année!) la traversée Standarth-Egger-Torre en croitant "Venas Azules" en aller retour. Il a donc fallu trouver des plans à notre échelle et les 500 mètres de mixte relativement peu engagés de la Mermoz nous ont rapidement conquis. Ainsi donc pour notre première tentative à VDN, notre essai s'est rapidement transformé en VDM lorsque le créneau, déjà petit s'est mis à rapetisser encore... ne nous laissant le temps que d'une brève virée sur l'Aiguille Guillaumet. Malgré le renoncement c'est un très beau sommet que nous avons pu grimper, par une voie du reste très variée et qui constitue un exercice de choix pour une initiation patagone. Du mixte facile, de la goulotte, de la neige, des arêtes... Un must en D dont Pierre Labbre se gaussait d'ailleurs d'avoir échapper, c'est vous dire si c'était bien!

Le détraqueur et un disciple


Cette sortie nous a permis de prendre nos repères dans cette partie là du massif, mais aussi d'appréhender ce que beaucoup de gens appelle l'alpinisme "Corrones Argentinas". Cette pratique, qu'auront pu également apprécier plus tard dans le voyage la cordée Détrie-Molinatti au Torre, consiste en une explosion des barrières mentales pour l'alpiniste argentin. Plus de sommets trop durs, plus de voies trop engagées, et la barrière du vol (de jour celui là...) est depuis longtemps un concept dépassé. Ainsi donc nous avons pu voir à l'oeuvre une cordée de "Scrats" s'adonner aux joies du vol de 10 mètres en escaladant un champignon déversant. Roulé boulé dans du mixte qui termine heureusement bien. Aucun cri, aucune stupeur dans les yeux de l'assureur. A croire que ce genre d'action n'est pas extraordinaire. Seules les deux traces verticales de ces lames qui fuient inéluctablement vers le bas, comme celles des deux griffes de cet animal attachant et sans limites, pour témoigner d'une tentative un peu osée!

PS : étant données mes performances de chutes inopinées en tout genre, surtout sous pression administrative, je me permets de tacler lâchement ces alpinistes pourtant forts sympathiques...



Le deuxième effet Kiss Cool avec la Pata (après le vent à décorner les boeufs), c'est bien la pratique de l'Alpinisme en mode One Push. Ou comment repter pendant trois jours après avoir chaussé les crampons pendant seulement 2h45. Probablement largement gagnante devant l'Oisans dans le jeu du plus gros ratio marche rébarbative/escalade plaisir, la Pata nous aura poussé dans nos limites de résistance au sommeil.
Nous avons mis en place cette technique d'entrée de jeu pour notre One Push à L'Aiguille Poincenot, quasiment à la descente de l'avion. Et ça marche hyper bien. Après 30 heures de bivouac assis dans ce mauvais Airbus et suffisamment de décalage horaire pour ne plus savoir épeler son prénom, un bon gros one push de 40 heures finit de calmer toutes les ardeurs. A la fin tout le monde délire sur le sentier du retour, chacun a le loisir de s'endormir en marchant. Dément.

Puisque décidément on n'apprend pas de ses erreurs, nous remettons ça le Mercredi suivant pour un créneau encore plus hasardeux et on finit pas buter pour de vrai! Plus de pentouze salvatrice pour nous tirer de ce mauvais pas, il ne nous reste plus qu'à assumer et lâcher de la cordelette pour descendre dans le mauvais à Chalten.

Le temps de retourner manger une tarte avec Pierre Labbre et  s'apercevoir qu'il n'y a rien de nouveau sous notre Roi-Soleil pour déjà voir le nouveau créneau se présenter. Celui là a l'air réel dit-on...

Mais avec Arnaud on a les crocs qui raclent et on a lié pour de bon notre dignité avec ce mauvais VDN. Les autres nous laissent nous ridiculiser une dernière fois dans le petit créneau du Mercredi qui précède le vrai créneau officiel. Après une préparation en 1h10 du matériel et de la bouffe pour 6 jours, courses comprises, nous sautons dans un taxi hors de prix et remontons à Piedra Negra pour en finir avec ce Vol De Nuit une bonne fois pour toutes!

Cette fois notre opiniatreté va payer et nous nous gavons littéralement des longueurs de mixte collector de la belle face Est de la Mermoz. Les Sépias sortent au sommet avant que la tempête arrive. Comme deux poulpes sur leur rocher, on profite tranquillement de nos crampes tentaculaires avant de retourner nous glisser, dans un jet d'encre nauséabond, au bivouac de Piedra Negra.

Arnaud, le Fitz Roy, les oiseaux et ta mère 

Finalement tout le gratin de niots se retrouve au bivouac en une belle après midi de Décembre. Prêt à se faire souffler dans les bronches. Korra, Toto et Pierre partent pour Mate y Poro en Face Nord du Fitz et nous nous filons vers la super photogénique Super Canaletta pour un énième one push bien fatigant. Quant à eux les Briançonnais Détrie et Molinatti rompent le mauvais sort et cochent la King Line du Torre, rien que ça!


Des supers moments et des super copains pour cette expé qui a comme un goût de reviens y.


Ciao







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