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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

19 avr. 2015

En montagne


L'anticyclone semble progressivement se vacher sur l'Europe à mesure que nous rampons, tant bien que mal, en direction de Chamonix. Après 24 heures de bus pour relier Buenos Aires depuis Bariloche, voici le trajet an avion... extrême! Un aller-retour-aller Chamonix-Genève-Fayet dans la foulée en navette pour que Maëlle décroche son CDI, deux heures après être revenue en France. Cool!
Et un coup de fil à Tonio, sur le qui vive. 

Dans les pentes du Linceul

Et c'est parti pour se frotter au mauvais granit de la "Directe à la Pointe Walker". Moatt' aussi sera de la partie, cette voie, c'est son idéee. Il nous a même vendu l'intégrale, réalisée par Profit himself en 83. La "Magic Line" consiste à relier la belle goulotte rarement en condition à gauche du départ du Linceul avec la sortie directe. Celui que l'on appelle le Chamoitti, et bien lui, il l'a vue... formée!
Je me rappelle de mon dernier bon plan à la Moatt', une sortie au dry d'Ardent. Apparemment "top condi", qui se soldait déjà par une floppée de stalactites déliquescents s'écroulant sans qu'on les touche. Du coup là, je demande à voir! Mais au pire on pourra toujours faire le départ classique du Linceul.

Tonio 

Nous voici donc dans la benne, prêts pour une Vallée Blanche sordide avec les gros sacs. Pas dormi des masses depuis l'arrivée en France mais les crocs râclent un peu par terre comme disent les anciens. C'est donc en plein Jet Lag que je tente de suivre mes deux moniteurs ESF tout chaud patate sous les séracs de la Vallée. Ils me vendent du virage, mais surtout du rêve... Moi je résorbe. Comme quoi on a beau avoir eu des parents moniteurs, ca fait pas du gamin un Herman Maier!

Jolies rampes vers le haut

On se rend surtout vite compte que pour la Magic Line, on pourra revenir. On voit aussi que les bonnes conditions sont sur le côté droit de la face. Du coup, on reste sur notre plan, côté gauche. Il parait que c'est formateur de faire des voies en mauvaise condition... Nous nous régalons dans les 600m de pentes en glace noire du Linceul pour tomber sur un bivouac potentiel. C'est là que notre Moatt' prend enfin toute sa dimension. Parce que s'il a tendance à délirer sur les chronos d'approche et les conditions "mythiques" il n'en reste pas moins un terrassier-né! Alors avec rien il vous taille un bivouac parfait pour trois! Et parce qu'il ne râle même pas trop fort lorsqu'il vomit son lyoph' daubé Mountain House à 23heures, il est quand même plutôt un bon compagnon d'escalade hivernale! ;) 

Il avait pas raison Moatt? ;) Taupe condi!

Vu que j'ai mangé le même lyoph que lui, je résorbe moi aussi comme un vulgaire clébard. N'ayant pas le physique d'un anorexique (!) je mets un point d'honneur à ne pas vomir une seule goutte de ce fluide immonde qui me tord l'estomac. Le coeur palpitant, je maudis les vaches-hublots et surtout ces *** de Moutain House. 

Le lendemain est beaucoup plus classique étant donné qu'il commence à y avoir des conditions correctes avec même de très beaux plaquages. On se gave dans une dizaine de longueurs qui grimpent avant de toper la Walker. Nous suivrons à la descente les traces d'un alpiniste visiblement seul. Nous apprendrons plus tard que ce dernier a enchaîné 6 belles faces nord cet hiver à travers les Alpes, en solitaire... 

Seb Ratel, frais comme un gardon, vient nous payer la pizz à Courmayeur après avoir récupéré nos skis au pied de la face. Cool le retour en France finalement ;)
Ca tombe bien il refait beau dans la foulée. Alors sans trop réfléchir, c'est Ratich qui paye ses pioches et nous indique son idée du jour. Cette fois il nous sort d'un mauvais plan pour tirer la carte gagnante. On troque donc une galère potentielle à la Lesueur pour une belle escalade à l'éperon Croz. Les derniers jours d'hiver pour rendre visite à une voie importante dans l'histoire du Groupe. C'est en effet JC Marmier qui en avait gravi la première hivernale en 71. Une histoire en soit donc. En effet, Desmaison voulait aussi être le premier à l'escalader en hiver. Quand il a vu la cordée Nominé-Marmier à l'oeuvre, il est redescendu dans la vallée pour prendre deux fois plus de matos et tenter, avec Serge Gousseault, d'ouvrir sa directissime...


Cette fois, ce n'est pas un, mais deux Seb avec qui je vais grimper. La classe! D'ailleurs l'Adjudant Chef Bohin est dans les starts. Il passe la rimaye et nous conduit jusqu'à la deuxième tour dans de très belles longueurs de goulotte. Je me permets de griller le jeune Ratel pour m'élancer dans ce qui restera un beau moment de bataille psychologique. Après un 3c bien enneigé je pars pour une grosse heure de bataille dans la longueur en dalle en 5a. Une succession de fin traits de glace dans des dalles pas hyper consentantes à vouloir m'offrir leurs fissures. Au final, grimper dans ces veines glacées est assez ludique. Ce qui l'est moins, c'est le passage de l'une à l'autre. Il faut agilement traverser sur des bombements lisses avec la corde qui s'enfuit loin en dessous... Gloups


Après un énième bombement psychologique, je suis enfin dans le névé. Une grande longueur corde tendue derrière et mes amis dénichent un bivouac top. Terrassement, Soupe, Polente au thon et Tisane. Une belle base pour se refaire. Au final une journée pas facile à la vue de mon cardio qui m'annonce quand même une heure à plus de 170 puls. Pas facile pour mon petit corps le 5a visiblement...!


Lendemain, départ aux aurore, on remonte la corde qu'on a fixé alors que le jour se lève tout juste. Ratich est devant, gugu comme d'hab. Il fait une belle partie du travail de la journée et passe le flambeau à deux longueurs de la crête sommitale. Là, une dernière longueur raide en glace assez fine et nous voici sortis d'affaire, au soleil.


Retour à la civilisation avec une saveur particulière. La belle éclipse solaire et surtout une mer de nuage à vous taper le cul par terre. C'est d'ailleurs ce qu'on fait en se laissant glisser jusqu'à la voiture sur les fesses. En moins de 2 heures on est à la bière... 


ET cette fois c'est cet être attentionné devant l'éternel, Seb Moatt' lui même, qui nous rejoint sur le sentier, avec le sac rempli. La dernière personne qui m'avait fait ça, c'était mon père, alors forcément, ça touche! Merci pour cette belle attention :)



Encore un peu d'entraînement et puis la météo se remet au beau... A nouveau une super journée en montagne en perspective. Cette fois c'est avec Did Dainjour que je m'encorde pour une voie vraiment démente : le Couloir Nord Direct. 



La surfréquentation des mois passés diminue un peu le côté "aventureux" avec des trous de partout dans la glace et donc une grimpe à l'économie. 

Un couple d'ibériques bien sympathiques avec nous ce jour là!
Dernière longueur avant les pentes de glace

Malgré tout il faut souligner que, par rapport au passage important (peut être plus de 100 personnes?), les relais de descente n'étaient pas hyper bon. Les pitons retapés n'étaient pas légions et nous avons du rajouter quelques stoppeurs pour ne pas tenter le diable, surtout sur les derniers relais au dessus de la rimaye. 

Pentes de glace du couloir nord
Mais c'est surtout avec les abdos en feu qu'on finira la descente, victimes de l'humour caustique d'un Did en pleine forme!

Pour terminer de remplir au mieux cette jolie fenêtre météo, je pars avec Mat Détrie pour une ligne de mixte trois étoiles au fond du glacier d'Argentière. 500 mètres, approche rapide à skis et descente en rappels, grimpe terrible... Une future classique!


De plus la période du Printemps s'y prête à merveille. Il fait bon, il y a du soleil en fin d'après midi et les conditions de glace sont encore correctes. Il n'y a plus qu'à enchainer les longueurs collectors. Entre verrous parfaits et protections démentes sur l'ensemble de la voie (exceptée peut être L4 au rocher un peu lisse...), il s'agit là d'une voie comme en rêverait plus d'un grimpeur de l'Oisans!




Merci à vous pour tous ces moments intenses et formateurs.

A +

Max


 

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