Fond d'écran

Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

14 avr. 2011

"L'épreuve du courage n'est pas de mourir, mais de vivre". Vittorio Alfieri

     Scotché devant l'écran, je me laisse rebondir de liens en liens sur la toile. Je m'embarque sur le casque de ce rider, à mach balle dans les couloirs, je saute avec des énervés suédois en BASE, j'ai même droit à ma petite session fermeture de bras sur la tête de Jeff Mercier...
     L'errance sur internet, le nouveau fléau du siècle? Je vis par procuration toutes ces sensations auxquelles je ne gouterai sans doute jamais. Et je partage, j'aime, je commente. Un peu comme nous tous je présume. Dans l'arène du net la compétition des superlatifs fait rage. C'est un peu à celui qui aura la vidéo la plus gorette, la plus énervée, la plus mortelle. C'est peut être cela qui nous fait vibrer au fond, jouer les trompe-la-mort. Ou tout du moins regarder les autres le faire.
     Si le sujet n'est pas tabou, il n'est quand même pas abordé tous les jours dans notre société. La mort, elle même, semble extrêmement conceptualisée, aseptisée. A l'inverse d'autres sociétés, peu d'entre nous sont ceux qui ont déjà accompagné les derniers moments d'un mourant. Le haut degré de développement de nos services d'urgence nous protège de cette réalité. C'est peut être même le sujet que nous évitons le plus soigneusement, comme si éviter de l'évoquer pourrait éviter d'avoir à faire à elle à un moment ou à un autre.
    Alors il est vrai que les seuls moments où nous nous questionnons un peu sur la mort sont justement lorsque cette vieille dame nous rattrape. La perte d'un être cher, entre autres, nous projette dans une profonde réflexion sur sa propre vie, ses propres attentes. Réaction paradoxale d'ailleurs que de penser à soi dans une telle situation. Peut être une forme de protection. En tous cas nous relativisons, nous focalisons sur les choses vraiment essentielles à nos yeux, reprenons pied dans ce monde si vite renversé. Et puis nos habituels tracas et autres prises de tête réapparaissent, nous nous re-connectons à la réalité. Seule solution pour ne pas sombrer. 
     Il est intéressant de lire des textes à ce sujet. Loin d'être rébarbatifs, ils expliquent ce réflexe d'évitement de la mort. Plusieurs moyens sont possibles pour "éviter" la mort. L'un d'entre eux m'a frappé parce que je m'y suis reconnu. Ce déni consiste à réfuter le caractère inéluctable de la mort, remettre en cause la non maîtrise que nous avons sur elle. Beaucoup d'entre nous s'en servent pour s'accrocher à la vie. La clope et l'alcool à moindre mesure, les sports extrêmes plus surement. Une sorte d'autodestruction maîtrisée qui nous réconforte et qui nous fait confondre vie trépidante et peur de la mort. Cette addiction à l'adrénaline transcende notre quotidien et nous protège des vraies questions, elle nous soulage en mettant de côté notre acceptation de ce qui reste comme la plus féroce fatalité à laquelle tout être vivant est confronté.
    S'injecter des oeillères en intra veineuse semble être la solution la plus couramment utilisée pour ne pas avoir à trop réfléchir à notre décès plus ou moins proche, inéluctable en tout cas. Se jeter d'une falaise, grimper en solo, partir en expé à l'autre bout du monde, sans filet, sans secours.
     Pousser les limites juste pour le plaisir? Par rebellion? Ces "montagnards" de l'extrême ne sont pas des ados attardés, ni des illuminés, mais plutôt des individus qui, dans une certaine mesure, militent contre la sur-sécurisation dans laquelle nous sommes tous plongés. Peut-être plus égoïstement cherchent ils à devenir quelqu'un, à exister dans cet agrégat élitiste qui nous sert de société. Engager pour mieux régner en somme.
    Pour certain la montagne existe même en tant qu'"école de la vie". Peut être est ce un peu pompeux. Elle canalise en tout cas bien des frustrations. David Le Breton résume tout cela à merveille : "C'est là que l'homme sans qualité peut enfin tutoyer la légende, aller au bout de ses forces, jouer symboliquement son existence pour gagner enfin ce surcroît de sens qui rend la vie plus pleine, lui donne une signification et une valeur".
    Pourtant  cet élan de gloire a un prix pour ceux qui restent. Familles amputées, univers dévasté. Pratiquer la montagne implique donc de placer son plaisir, sa quête d'adrénaline, au premier plan, loin devant la douleur de ses proches. Tous ses pratiquants acceptent cette roulette russe. Ils osent ce pari nombriliste parce que l'épanouissement ressenti là haut est bien trop fort. S'élever pour arrêter le temps. D'en haut tout semble se figer. Loin des contraintes, loin de la frénésie grouillante de la ville, la montagne tient sa place mystique à la confluence de deux mondes. Pont vers un milieu céleste, inconnu et captivant, la montagne est un mythe. La parcourir, un plaisir sans fin.
  
  


1 commentaire:

  1. j'aurai du m’efforcer à lire ces lignes plus tôt !

    La sincérité, l'honnêteté et la franchise sont des qualités rare chez les "alpineux", d'autant plus de hauts niveau !

    bravo et continue de nous faire rêver !

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