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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

27 mars 2011

Qui a mangé des clous se torche de tenailles

    Cette fois ci c'est dans l'Oisans que ça se passe, dans le jardin même puisque les deux belles me narguent depuis que je suis rejeton. Face à la maison, elles proposent des itinéraires rocheux d'été de tous niveaux. Je parle bien sûr ici des très esthétiques Tenailles du Mont Brison! Mais l'idée de les parcourir l'hiver par une voie mixte ne pouvait émaner que de l'esprit d'un vieux briscard... Aussi, c'est sans grande surprise que je découvre que ce glouton de Mathieu Gaillard y a laissé sa trace.
Les deux belles partageant notre jardin commun je pense que lui aussi n'a eu cesse de les scruter sous tous les angles, imaginant la ligne la plus diabolique
permettant de rejoindre le sommet de cette bien belle montagne.
Fin connaisseur des lieux il sera le plus à même pour me conseiller. Il est tout enchanté que quelqu'un aille répéter sa "king line". Je pars donc avec Sylvain "Lesueur" Digiac qui se remet tout juste de sa belle cuite de la St Patrick et de sa petite nuit de 4h qui a suivi. Autant dire que quand il passe le seuil de la porte à quatre heures du mat, le bougre est vitreux. Je ne peux m'empêcher de rigoler tout seul à la vue de sa mine pour le moins déconfite!



Notre périple du jour
    Notre périple du jour commence par un tankage de voiture relativement propre sur l'accés. Puis s'en suit une belle errance moitié à pied moitié à ski sur cette route forestière dont les orientations nous jouent des tours. Le faible regel de la nuit nous gratifie de s'enfoncer tels les pourceaux que nous sommes. Je sens mon Stoff entrer dans une grande phase de regret vis-à-vis de son absorption de l'avant-veille... Les Tenailles quant à elles se dévoilent petit à petit. Pourtant une chose m'obsède pendant la montée, un ressaut glacé à droite de la voie menant à un étrange étranglement. Une autre ligne évidente se dessine entre les jupons des deux soeurs. Plus je monte et plus je deviens frénétique, il faut qu'on y aille...
J'expose mon dessein à mon compère en lui forçant légèrement la main. Il accepte. C'est donc parti pour cette ligne pour le moins sympathique. Je suis survolté et cette longue approche n'a fait que m'affamer encore un peu plus. Je pars dans la première pente qui mène au petit ressaut dont j'avais repéré la générosité un peu plus bas. Nous progressons en corde tendue jusqu'à l'étranglement en ascendance à gauche. Un friend rouge et son compère jaune composent le relais dont la résistance s'avèrera mise à l'épreuve peu aprés!
    Durant toute cette journée, je n'ai cessé de penser à Gérard. Il m'a emmené faire ma première grande voie ici, aux Tenailles. Je me rappelle avoir été très impressionné par la raideur de l'environnement mais ce fut un plaisir avec lui. Il avait la pédagogie qui vous fait oublier l'angoisse et la gentillesse qui sécurise en toute situation. J'avais beaucoup accroché avec lui et son souvenir reste ancré dans mon esprit. Je n'avais jamais regrimpé aux Tenailles depuis son décès. Chaque coup de piolet est avec lui et l'émotion m'accompagne tout au long de cette ascension.
Sous le crux
    Stoff me rejoint, on boit un coup en se réjouissant du temps couvert et relativement frais qui évite toute sorte de projectiles dont Mère Nature pourrait nous gratifier. Je pars dans le crux bien détendu. Je comprends rapidement la différence d'adhérence entre le granit et son homologue calcaire. Cette découverte est sanctionnée par un beau zip qui me dépose 3 mètres sous le relais, planté dans la neige molle juste à côté de mon Stoff qui n'en revient pas d'être épargné par le piquant de mes crabes. Un peu pataud je me reprend du mieux que je peux, étudie un peu plus en profondeur la méthode possible pour ce passage récalcitrant. J'y retourne, bien décidé à ne lui laisser aucune chance. Une courte dülfer les pieds en adhérence dans cette satanée dalle, un verrou de pied et un planté de piolet dans la glace de sortie plus tard, je me retrouve dans une situation plus sereine. Pas possible de protéger il faut tracter sur cette mauvaise pioche en espérant que la glace tiendra. J'en ai déjà fait la mauvaise expérience chez ces grands bretons, un fond de fissure glacé n'est jamais forcément très fiable... Mais bon là ça passe.
    La suite est plus bucolique avec un arbrisseau qui me sauve dans le crux suivant. Ces jolies dalles me déposent au pied d'un petit trou où il fait bon se faufiler. L'escalade est super variée, j'adore cette longueur! Je bute finalement au pied d'un mur de neige inconsistante à souhait dans un goulet rocheux assez étroit. Aprés quelques petites montées de pression relatives à de jolis zip de pied, la moitié du mur de neige s'écroule gentiment et je me retrouve comme un égyptien à gainer au mieux entre les deux côtés du goulet pour ne pas tomber.

... et la suite

The fucking hole
Je me retourne et m'utilise en coinceur humain pour progresser. Finalement je peux me ruer sur deux bons ancrages et me hisser dans le couloir de neige au dessus. Me voilà sauf. Deux pitons tchéco-slovaques en titane me serviront de relais. Ces deux fines lames pénètrent à merveille dans ces fissures encore rarement défouraillées! Le plaisir que j'en retire m'amènent à reconsidérer plus en détail mon célibat prolongé... Un petit blanc dans mon esprit cède la place à un égosillement du Stoff. Je me dépêche! Absorbé par cette varappe délicieuse, je n'ai plus trop conscience du temps que j'ai passé dans cette longueur que j'ai trouvée bien hard. Arrivé au relais quelques temps après, l'énergumène me confie une belle onglée. Toujours est il que c'est lui qui poursuit dans la pente de neige qui nous mènera au sommet de notre itinéraire. Une dernière escalade de quelques mètres pose le Stoff sur une petite arête.

    Cependant, à mesure que je progresse, mon bien être intestinal se dérègle étrangement si bien qu'au moment de forcer dans les derniers mètres je suis saisi de drôles de contractions... Je regrette amèrement d'avoir rempli ma bouteille ce matin de ce jus de fruit déjà entamé qui trainait, goguenard, dans mon frigo. Spécialité de la maison oblige, nous aimons bien laisser des petits pièges et celui là en était un particulièrement pernicieux. Quelques secondes me suffisent pour faire sauter vêtements et baudrier sous l'oeil moqueur du Stoff qui trône, impérial, sur son arête. Vulnérable, accroupi dans la neige, je subis la puissance de la péremption. Je laisse à cette nature immaculée et sauvage un présent dont seule l'odeur sera me venger des sourires narquois de mon compagnon. Nous sommes quittes, je peux le rejoindre et amorcer la descente.






Neige croutée où nous prenons beaucoup de plaisir.

1 commentaire:

  1. Pas grand chose à rajouter à ce beau récit tout en prose ! Je résumerais notre aventure en quelques points :

    - une belle bavante pour moi après une soirée trop arrosée, et oui ces jeunes des vrais fous !
    - Une bonne frayeur quand à la résistance du relais sur friends, ainsi que la peur d'être défiguré par une paire de crabes
    - une putin d'onglet à t'en demander ce que tu branle ici (rêvant de ton canapé)
    - Une belle longueur, un beau caca bien odorant !

    Somme toute une belle aventure avec ce bon max, ce qui fait très plaisir ! J'éspère que ce n'est que le début...

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