Interlude

Un rapide coup d'oeil à ma montre m'indique que cela fait plus de deux heures que je suis coincé dans cette situation délicate. Autour de moi les éléments se déchainent et la situation ne fait qu'empirer de minute en minute. Une erreur de ma part, aussi minime soit elle, impliquerait irrémédiablement ma chute dans le néant abyssal que je surplombe. J'en ai des sueurs froides.

Rester concentrer, ne rien lâcher. Je sais que la tempête finira bien pas fuir. Mais quand? L'appel du vide se fait plus fort, y glisser serait si facile maintenant... Tout à l'heure si impressionnant, le gouffre semble se transformer. Il me parait bientôt cotonneux, presque confortable. L'austérité de mon support, seul ancrage réel auquel je puisse me fier, semble vouloir s'accroitre et me repousse. Le dévers augmente comme les aspérités disparaissent, je suis saisi d'une pouif terrible, je vais tomber!
Moment crucial? Une étrange vibration dans ma poche me secoue. Le doux nom de Mounier clignote sur mon écran associé à un champ lexical des plus alléchant. "Také", "arqués" et "Tête Colombe" semblent vouloir calmer d'un coup mon dilemme. Le grand saut sera pour la prochaine fois. Je claque la porte du bar. Me voilà sauf.
Les gens à l'intérieur se sont métamorphosés. La blague la plus débile fait hurler de rire les plus discrets. On semble frôler la décence devant tant d'humour noir. Qu'il est surprenant d'assister à l'ivresse des autres lorsque nous en sommes nous mêmes privés. Je laisse Dudu bénir la tablée de sa salière et Charly rêver d'expé aux antipodes sur fond de grosses perf en ski extrem. Pour une fois que je n'y suis pas, moi aussi, à hurler torse nu des élucubrations traumatisantes sur le passé peu glorieux de nos voisins germaniques. Avec Cyril nous prenons la fuite. Il en est mieux ainsi!